Deville-Chabrolle Journal d'atelier (retrouvé !)

Fin de l'hiver

"PAYS DE NEIGE" est complètement finie.....

Antonio ne viendra que mercredi.

Alors je l'ai bien enroulée dans ses linges, ses plastiques... et j'ai commencé le rituel de fin de sculpture... nettoyer la table, balayer, faire le grand ménage et nettoyer chaque outil un par un.

Et après sous la petite lampe de la cuisine, me faire le dernier thé de la journée, assise sur le fauteil en osier...

Dehors nuit sur le petit jardin.

Reflets les dalles de la terrasse  mouillées.

Le temps passe, je me dis qu'il faudrait bien rentrer à la maison...

Mais je suis bien là dans la lumière douce, entre le saule et la rivière......

Un dimanche

Se lever le matin.
Voir derrière les rideaux, un soleil tout froid.
Dérober à un dimanche ordinaire quelques heures, et les disposer tout autour de soi, dans l'atelier désert, pour travailler encore un peu au drapé.
Oublier l'heure , bien sûr.
Et finalement  arriver quand la famille en est au café,et choisir un thé .
Les voir sourire de mon éternel retour d'atelier différé.... partager la chaleur un moment.
Se glisser ensuite dans sa chambre pour finir "Une Année sous silence" de Jean Paul DUBOIS.
se dire qu'on a preferré le précédent "Tout les matins je me lève"
mais commencer tout de suite le suivant "Les poissons me regardent"
S'avouer une seconde, qu'on est vraiment une lectrice obsessionnelle...
Et puis l'oublier dès qu'on lit l'exergue
"Tous ces gens bizarres frappent à ma porte. trop de gens bizarres.
je ne sais pas ce que nous allons devenir.Il nous faudra beaucoup de chance et la mienne est en baisse."
Charles BUKOWSKI
Sourire et se dire qu'on est déjà sur la bonne  longueur d'onde...Jean-Paul, Charles et moi...

Au bout d'une heure laisser le livre glisser de sa main et le sommeil prendre possession du temps...

Rigueur et Poésie

la photo date d'hier...j'ai oublié mon appareil à la maison...
Mais aujourd'hui j'ai passé la journée uniquement sur le drapé...
De 9h à 19h non stop.

J'adore faire des drapés..ça m'a toujours fascinée...donner la sensation d'un voile transparent collé à la peau, le tombé d'un drap lourd, la cassure des plis, ou l' envol, le mouvement, le poids, la matière.....
C'est un travail d'une rigueur absolue, un travail de logique, d'esthétique et de poésie...

Passer sans arrêt de l'infime détail, à la vue d'ensemble,
Regarder chaque pli examiner si son épaisseur,de face, de profil est dans la logique du tissu, dans celle de son emplacement, mais aussi, si dans l'ensemble il doit accompagner ou contrarier une courbe, la renforcer sans l' alourdir......bref! je sais bien qu'Antonio va me détester (rien de plus difficile à mouler) sans parler des ciseleurs chez Olivier....mais j'aime trop ça.....

Et en plus demain.... je voudrais tenter des motifs sur les tissus lourds...et en relief en plus....

Bon je tâcherai de trouver un avion pour l'Uruguay ou la Patagonie, enfin n'importe où mais loin.....quand Antonio sortira la terre de ses linges

les replis du silence

Elle disait :"Qu'aucune étoffe, aucune fourrure ne la rechauffait jamais."

Alors j'ai essayé de la recouvrir de tissus lourds, qui tombent jusqu'a ses pieds, d'y ménager des plis assez amples pour qu'elle puisse y cacher ses secrets, son silence ou sa peine.

je vais encore y travailler aujourd'hui.

Sans doute en pure perte, parce qu'il y a cette sorte de froid en soi contre lequel on ne peut rien....

Le lent enfermement

Je suis rentrée trop tard de l'atelier hier soir, pour vous écrire.

J'avais passé une très longue journée dans un pays de neige, avec elle, qui me disait comment l'hiver interminable, gelait les coeurs et les langues, si fort que le silence était devenu maître de ce pays.

Elle disait..."Le lent enfermement de la neige ".

"le froid intense qui fait se fendre les pierres et les coeurs."

Quand je me suis décidée à partir....Il faisait nuit ,un début de gel recouvrait les vitres de la voiture..

Que la neige couvre la terre

Commencée hier, elle en était là ce soir.
Ne vous fiez pas à son apparence actuelle, la belle vient d'un pays de neige , de grands froids et de gels rempants.

Elle a dû commencer son chemin vers moi, sans que je le sache il y a quelques mois... dans les pages d'un livre "Le Musée du Silence" de Yoko OGAWA.

Pourquoi aujourd'hui et pas après la lecture du livre?

Je ne le sais pas ce soir.....sans doute qu'après quelques passés en tête à tête en saurais-je un peu plus.

Il faut laisser les pages comme les terres se couvrir de neige ou de mots....