Deville-Chabrolle Journal d'atelier (retrouvé !)

Collage

Ce matin, j'ai pris ma fatigue sur le dos et retour à l'atelier, nous avons testé la colle de peau de lapin, sur mon papier.

Stress maximum, car mon papier n'est pas un papier industriel mais un papier à l'ancienne, ce qui fait à la fois sa  beauté et ses tyrannies. Epaisseurs variables, bord frangés, irrégularité et....très très suceptible quant à la colle. Il se met à gondoler, se détendre ,bref à nous donner tous les soucis du monde.

Aux commandes Serge et moi:  Encollage du chassis et  du papier, séchage, deuxième couche d'encollage chassis et papier et après il faut se débrouiller avec un papier tout mou, tout déformé, l'appliquer sur le chassis tout en chassant sans pitié la plus petite bulle d'air et mettre sous presse. En l'occurence des pains de terre de 15kg chacun après il faut.....prier et attendre jusqu'au lendemain pour enlever les poids  et espérer que le papier soit bien tendu, qu'il adhère uniformémént, qu'i n'y soit pas resté une bulle, de manière à ne pas avoir de problème au moment de le remouiller pour peindre les fonds.......et j'allais oublier surtout surtout que le dessin n'ai pas pris une salissure quelconque.

Là, en sortant de l'atelier, nous en sommes à la phase prière...

La rouille

En l'espace d'une nuit, la rouille a tout envahi.
Le corps, l'esprit, le désir, le moindre nerf, le plus aériens des filins imaginaires, tout s'est grippé.

Après une nuit zébrée de cauchemars, je suis allée à l'atelier ce matin et plus rien ne fonctionnait.
J'ai ressorti les dessins, vu le nombre des chassis, il en manquait quatre pour les grands formats... Voilà ce que je devais faire: prendre mon téléphone et passer commande...à priori rien que de la saleté de quotidien, du banal, du rien...et tout d'un coup je n'ai pas pu...j'étais là, devant les dessins posés sur les chassis par terre..et rien. Rien de tout cela ne me concernait plus.

Liste des choses insurmontables: prendre le téléphone, parler, regarder les dessins, rester ou partir.

La rouille a grippé tous les rouages. Je suis restée là, à me craqueler doucement, je voyais des bouts de moi se détacher et tomber comme du plâtre qui s'écaille, une fissure a commencé à s'agrandir, la fêlure prenait des proportions telles que je  bougeais plus de peur de provoquer quelque chose d'irrémédiable....

J'ai dit deux ou trois phrases du genre je suis fatiguée, j'ai mal à la tête, et je suis rentrée chez moi. Chambre, volets fermés, porte close...

la rouille a pu envahir mon cerveau aussi....

Au secours

Pendant que Jérémie et moi étions au travail de sculpture , Serge lui préparait les châssis, trois couches d'apprêt, et ponçage fin entre chaque, non je n'ai pas peur, non je ne suis pas angoissée, non je ne suis pas découragée devant tout le travail qui reste à faire, "Je suis terrifiée"....

Et pendant ce temps que croyez vous que Marie Hélène et Justine fassent ...elle préparent pour Octobre l' envoie de sculptures pour l'ouverture de la nouvelle galerie des Etats Unis...en Octobre

Zen ....on m'a dit de prendre du recul

Son nouveau visage

                                                                                                            Jérémie et moi nous sommes installés dans l'atelier plâtre, pour prendre à bras le corps, le problème de la dernière "Veilleuse d'âmes qui avait eu quelques soucis. Lui s'occupe du corps en plâtre tandis que je lui refais un nouveau visage.

Nous réajusterons le tout, puis il devra mouler la tête, la recoller sur le corps et la reponcer, afin de l'envoyer à  l'élastomère...

Moi, je suis un peu comme elle, je ne sais plus où donner de la tête avec le travail qui s' amoncelle et ne finit jamais

Leur voyage à eux

Ces photos sont pour eux, si par hasard ils lisent cette note.

Eux, qui ce matin se trouvaient devant une petite photographie du "Cinquième point cardinal" et  étaient tout émus. Emus parce que ce couple évoquait pour eux un autre couple et un autre voyage. Celui d'une jeune fille et de son ami. A travers la maladie.
Elle, leur fille, avait la même jeunesse, la même fragilité et la même douceur , et lui était tendre, protecteur et ne l'a pas laissée faire ce voyage seule. L'histoire se finit bien, elle est guérie et il est toujours là.

Alors bien sûr, l'histoire que je m'étais racontée n'était pas celle-là du tout, mais le miracle fait qu'il y a sans doute mille portes pour entrer dans une oeuvre.

Et le second miracle est qu'un artiste parlant de la tendresse humaine, ouvre toutes les portes à la fois, sans même le savoir.

merci à eux de m'avoir fait le don de leur histoire.

Chez le magicien

Chez le magicien c'est comme chez moi ,on ouvre la fenêtre et on est tout de suite en haut des arbres...

Pour les conversations c'est pareil, mon magicien parle peu, il nous écoute Serge et moi, en fumant sa pipe, mine de rien...et puis tout d'un coup, il se lève et  vous montre un travail photographique..." oh, qu'il avait fait il y a longtemps.....  qui n'était pas très réussi...qui n'a pas d'importance..."
Et vous bouche bée, vous découvrez un truc de fou et puis il se remet à fumer sa pipe et s'entoure  de silence et de fumée...

Pour les conversations c'est comme un arbre aussi, il se contente de lancer une idée, ça c'est le tronc, et vous donne juste accés à la première branche, la première branche seulement, parce que c'est un sage mon magicien.

Mais si l'on se met à poursuivre le chemin qu'il a ouvert, de branche en branche, de ramification en ramification on se retrouve tout en haut, avec une idée de création nouvelle, interressante et qui ouvre sur un ciel nouveau.....

C'est votre partie du chemin à faire, seule, (je vous dit que c'est un sage) lui a déjà caché derrière son silence et son écran de fumée, le sourire de celui qui sait qu'il a donné ce qu'il avait à donner de magie, pas plus mais pas moins non plus.......

Alors voilà  j'ai dîné il y a trois jours chez lui, et cela fait trois jours que je grimpe sur ces sacrées branches et ce matin, l'idée est là, et j'enrage de ne pas avoir encore le matériel nécessaire pour commencer les essais...

Mon magicien doit sourire dans la barbe qu'il n'a pas, de voir son apprentie sorcière mettre trois jours pour arriver à concrétiser son idée, et se démener avec autant de maladresse... bon.. oui, mais je suis pas magicienne moi!

"Le toucher femme" d'Alain

Que mon ami Alain, du blog "Paroles" me pardonne,  mais j'avais trouvé ce texte et ce titre si beau...que si par hasard vous ne l'aviez pas lu chez lui vous ayez encore une chance de le lire ici...et je n'ai pas trouver de mots plus en adéquation, avec cette nouvelle sanguine

Alors en hommage à ce joli texte

Le toucher femme

Toucher le coeur des roses c'est la manière femme de travailler. Toucher. Toucher le coeur vivant des choses, être touchée, vivre dans le tout près, se rendre par de tendres et attentives lenteurs jusqu'à la région du toucher, lentement se laisser porter par la force d'attraction d'une rose, attirée jusqu'au sein de la région des roses, rester longtemps  dans l'espace du parfum, apprendre à se laisser donner par les choses, ce qu'elles sont au plus vivant d'elles-même. 

Rédigé le juin 26, 2005 "ulysse.club-blog.fr"