Deville-Chabrolle Journal d'atelier (retrouvé !)

Jardin d'atelier

Horizontales et verticales..... je travaille dans cette grille-là et dans les cases le ciel à l'envers...

Ecchymoses

  Le médecin avait dit cinq jours de repos non-négociables...moi j'avais dit trois pour lui faire plaisir..finalement mon tube de paracétamol et moi avons opté ce matin pour une reprise du travail immédiate......

C'est ma manière à moi de faire la guerre à la réalité. Même pas mal, et puis si j'ai mal je n'entends pas , ça n'existe pas...

Je sais c'est la réalité qui gagnera, je ne me fais aucune illusion ....C'est elle qui me fera passer par la porte- basse et face contre terre encore...  mais en attendant, je suis dans mon atelier.

Je triche un peu, la photo n'a pas été prise aujourd'hui, mais je faisais du rangement et j'ai trouvé cette photo dans un magazine qui avait fait un reportage, il y a deux ans.... je ne montre pas mes ecchymoses .....c'est un principe !!!

Dommages collatéraux

 Mon atelier en ce moment est à l'image de mon esprit, en désordre certes ... mais pas plus que d'habitude ou si peu.
C'est surtout j'ai la sensation qu'il passe sans arrêt de l'infiniment petit, précis, une sorte d'attention chirurgicale aux choses( ça je ne suis pas sure que ça existe comme expression) à un survol très ample, très détaché de tout.

Examen minutieux de choses infimes, de détails microscopiques, comme lorsque je suis très attentive à la moindre nuance d'ombre ou de lumière sur un dessin, par exemple.......     Et puis à d'autres moment , je suis ailleurs très haut très loin, tout ce qui semblait important devient insignifiant..

Et pourtant je jure que je ne bois rien, et que j'ai même arrêté de fumer ...l'art ferait aussi des dommages collatéraux???

Voyage en terre d'hiver

La veille de Noël, j'ai levé l'ancre, la grande maison-navire a craqué de tous ses bois mais nous sommes parties. J'avais dit voyage en solitaire jusqu' après les fêtes ... Et le voyage fut beau et long, plutôt coté grand nord, avec grands vents et banquise,  les cales étaient pleines de livres, d'épices et de lettres encore à écrire, ai croisé quelques navigateurs solitaires comme moi, mais pas le temps trop de ressacs et  puis... les tempêtes d'équinoxes, la neige, la glace. Ai fait un bout de chemin avec Jonathan Livingstone le goéland, avec mon ange le plus courageux, le moins frileux... Et puis hier nous sommes revenus de ce long voyage immobile... une escale...avant de repartir pour l'atelier....

Regards

                                            Je ne sais rien de ces visages qui viennent sous mon crayon, il y a pourtant en commun entre nous ce questionnement sans fin dans le regard.

Cette tension.
L'attente d'une réponse.
Pas d'un pauvre truc, un pauvre alignement de mots....une vraie réponse.. qui  bouleverse.

Heu...prototype

Si on veut faire "l'Artiste" on peut dire: "ce matin j'ai créé un prototype..."

Pour de vrai, c'était comme dans un atelier de bricolage de cours élémentaire. Nous étions à la fois léger et sérieux comme les enfants qui jouent.

L'idée étant trouvée, c'était s'amuser à découper des cartons, bidouiller des morceaux de fil de fer, faire une boite, se dire qu'on mettra de la lumière dedans, perdre le scotch sans arrêt, coller, mesurer, inventer des trucs et après... faire venir tout le monde, pour montrer sa jolie boîte en carton...
Et pourtant au final ce sera une oeuvre. Mais la boîte c'était la récré.... enfin je veux dire, le "prototype".

Retour

Retour à l'atelier, avec ce plaisir immense.
Une vraie gourmandise d'enfant de tout retrouver, les odeurs, les lumières, le travail en cours, et mes complices.
C'est ici que je vis, dans cet atelier...

Le vernissage est définitivement fixé au 1 Décembre.
le décompte et finalement, la délivrance commence.

les bronzes commencent à arriver, et je retrouve confiance en moi....simplement parce que mon travail se reconstitue...
Depuis les terres, les sculptures sont passées entre tant de main, depuis tant de temps, que je n'avais autour de moi la réalité de l'expo. C'est comme si tout était devenu flou, lointain. En revoyant les bronzes, arriver un à un de chez le fondeur, tout reprend vie, les rêves, les idées , tout ce que j'avais arraché à grand peine, de l'intérieur de moi, se matérialise de nouveau...je ne suis plus perdue.

Plus que 40 jours et en allant au vernissage, j'aurai une vue complète et objective de  de ces deux années de travail.
Les groupes seront assemblés, tout reprendra sa cohérence...ce n'est que de cette façon que je verrai où j'en suis de mon chemin, et vers quoi aller...

Quand les sculptures pleurent

Cette note est dédiée à Chantal, elle se reconnaitra.

Je vous disais hier que "poussière de lune " était très nostalgique hier, il arrive même que les sculptures pleurent...

bon d'accord...c'est pas tout à fait vrai, mais ce qui est vrai c'est qu'a force de les travailler, de les regarder de les aimer...ils nous semble tout naturel, qu'elles aien des bouts de vie, des sentiments vrais, des émotions.

Peut être qu'on devient un peu fous à force.....

Ou peut être qu'elle pleurait vraiment, après tout qu'elle différence? Qui nous empêche de choisir la réalité que l'on préfère.

Il y a des jours

Il y a des jours comme ça... Les jours gris bleus, oh, rien de spécial, sauf que les jours d'avant étaient plus excitants, plus riches, plus neufs...

Aujourd'hui la journée était dédiée aux finitions de quatre tableaux, tout ce qui est passionnant à faire est fait, reste que les bords des chassis doivent être impeccables, qu'il y a une retouche de quelques millimètres carrés à reprendre dans la bonne couleur, et mille autres détails...
C'est long et à la fin de la journée on est toujours avec les quatre même tableaux.......

Mais ne vous y trompez pas, je les aime bien aussi ces jours là. Ce sont des jours de lenteur, de rêverie aussi parce qu'il n'y a rien d'essentiel à faire, rien qui n'engage, rien qui ne soit décisif.... On descend la journée comme sur une barque, sur une rivière un peu paresseuse, on a le temps de regarder le saule au milieu du jardin de l'atelier perdre ses feuilles,  de boire un thé pendant que "ça sèche", et puis de repeindre en même temps la porte de la grange....
On a même le temps de penser aux amis ou aux proches qui vous manquent.....

A vous par exemple, à qui je ne peux pas répondre,(blog toujours malade, mais flo s'en occupe), au temps qu'on a pas pris pour aller aux nouvelles sur vos blogs, au temps qu'on a laisser filer sans répondre à un mail, justement parce que les jours d'avant étaient eux n'étaient pas gris-bleus....

Poussière de lune

J'ai créé cette grande sculpture au début 2004 pour l'expo de fin 2005. Elle ne reviendra de chez le mouleur (parce qu'il y a eu tant et tant de pièces entre temps) que la semaine prochaine... C'est cela le temps des artistes, c'est pour cela aussi que le fim s'appelle "Du temps plus que des heures".

C'est un temps diffus, liquide, qui comprend le temps de la gestation, le temps de la création, un tas de temps compressé ou étiré c'est selon l'angle de vue.

C'est sans doute aussi pour cela que j'ai moi-même si peu de repères dans le temps.
Ce matin Marie-Hélène est passée à la maison et m'a trouvée devant mon ordinateur. Elle vient de repasser à l'instant je n'avais pas bougé d'un pouce  "Mais qu'est ce que tu fais? Tu n'a pas bougé de là de toute la journée?" Que lui dire oui et non.

Non physiquement je n'ai pas bougé, je n'ai pas dejeuné et je suis restée là. Pourtant j'ai passé tout ce temps à des années-lumière d'ici, j'ai vogué sur un océan de cristaux liquides, pas à surfer non, à suivre des personnages sortis de mon imaginaire et qui m'entraînent je ne sais où... J'ai couru dans le labyrinthe de leurs pensées, à leur suite dans des lieux si différents, je suis devenue un homme puis un autre et enfin une femme et pour chacun j'ai inventé un corps un langage une personnalité. Je leur ai crée des lieux où ils vivent, ou plutôt je les ai suivis dans ces lieux, parce qu'eux aussi ont leur propre temps.

Voilà, dans la réalité des autres je n'ai rien fait d'autre qu'être assise au même endroit six ou sept heures d'affilée. Mais dans ma réalité, toute une journée à courir après de la poussière de lune.