Deville-Chabrolle Journal d'atelier (retrouvé !)

Le canapé rouge

Week-end chez Flo.

Pour se détendre? Non, le travail encore.... un autre genre.

Nous avons filmé et enregistré, 5h de commentaires pour le documentaire qui fera 26 minutes....5h pour repiquer une ou  deux minutes de phrases, placées judicieusement, sur quelques images.
Flo commence le montage mercredi. Elle est à la fois pressée de commencer et freinée par la peur.

Notre confiance n'y change rien... Je connais, c'est comme quand on me dit:"tes sculptures sont magnifiques, ton expo sera réussie".
Mes nuits sont blanches quand même.

Fort heureusement, nous avons profité des deux soirées pour aller voir, une pièce de théâtre: "Dis à ma fille que je pars en voyage" et un film:"Locataires" du coréen Kim ki-duk, réalisateur de "Printemps, été, automne, hiver, et printemps". J'ai adoré ce second film, autant que le premier.

Et puis entre temps.... rêver, faire des projets, changer le monde, boire du thé et... acheter des livres. Plein de livres, pour ne pas être en état de manque.

Il me faut sur ma table de nuit cette muraille de mots, 7ou8 livres d'avance,pour le cas où...où...je n'en sais rien.

Pour aborder la peur sommeil sur une calme rivière de mots, pour me raccrocher à leurs pages en cas de naufrage nocturne....pour être armée contre l'insomnie aux nerfs assassins.

Peut être que comme les enfants j'ai besoin que la porte soit ouverte pour dormir, et moi, ma porte ouverte, c'est un livre.

Sculpture et Ecriture

Le commentaire de Valérie sur "Contrainte par corps", m'a fait réfléchir sur mes rapports à l'écriture. On ne peut jamais vraiment expliquer de quel magma, en nous,  sortent images ou mots.

Pour le cas précis, je peux lui dire le déroulement du processus, mais guère plus.

Pendant une pause dans le travail, je regardais les deux profils de cette sculpture et ces mots me sont venus à l'esprit: "Contrainte par corps".
Pas plus. Et ceci m'a entraînée sur une réflexion sur le triptyque.
Pas plus.

Quand je suis revenue écrire le soir chez moi, bien sûr, ce sont ces mots-là  qui sont revenus, et j'ai commencé me demander pourquoi, ceux-là et pas d'autres, d'où la note que j'ai écrite, au fil de la plume, si j'ose dire.

D'une manière plus générale sur ma manière d'écrire, juste une seule règle: pas de mots compliqués.

Je les adore pourtant, comme des bijoux rares et précieux. Je suis même une collectionneuse.
Mais quand je veux partager avec d'autres, ils peuvent sembler pédants, voire même encombrants.

Je ne veux parler que du ressenti, je ne m'adresse à la raison et à l'intelligence des autres que par le biais de l'émotionnel, parce que c'est mon alphabet réel à moi, celui dans lequel je me sens le plus à  même de coller au plus près de ce que je cherche à exprimer.
Et de le faire partager et puis..... tout simplement je ne sais pas faire autrement.

Alors bien sûr, dire, "dans les plis de la peau et les contractions des muscles il y a des mots", ça ne veut pas dire grand chose, du point de vue de la raison, voire même de l'expression, mais pourtant je pense que tout le monde comprend par l'image.

Tout le monde a dans son ressenti, "éprouvé, " qu'un corps soumis à une contrainte  dit sa souffrance, ses maux....

Euh.. en revanche, je ne suis pas sûre que quand je me mets à vouloir expliquer comme ici, je sois très claire...
C'est l'ironie de la chose...

à M...12ans

Je suis allée,bien sûr, à l'atelier pour travailler, et je suis retombée sur les bon-points, qui étaient dans mon sac.

Il y en avait un ou le nom était écrit en lettres appliquées, Monique 12 ans....

Maroc,1953 ou 4 , maternelle...

La petite blonde au fond de la cour qui joue avec personne, c'était déjà moi.

Pas que je n'avais pas d'amis, non, mais je préferais rêver... en classe aussi d'ailleurs.

J'avais un peu de mal à comprendre ce que je faisais là.

Je regardais les autres enfants pour savoir comment faire l'enfant.

Heureusement  il y avait la fenêtre, qui me découpait un espace vital.

Les bon-points

J'ai enfin pu me remettre à mes projets d'expo.
Cette fois ce sera un groupe de trois sculptures. C'est un projet que j'avais depuis au moins dix ans et jamais le temps de le faire.
Je prendrai le temps qu'il faudra, mais je mettrai dans cette expo tout ce qui est important pour moi.
La première, des trois, a été réalisée il y a quelques mois, et puis, j'avais dû abandonner faute de temps. Cette fois, j'ai mis les deux autres en travail en même temps, de cette manière plus d'obstacle possible.
Je ne sais pas pourquoi, cette rage à faire les choses...
Mais ce soir, Robert est venu chercher Serge à l'atelier, et m'a apporté un petit cadeau, comme à chaque fois qu'il vient. C'était un petit paquet de bon-points et d'images anciennes, ceux qu'on donnait aux bons écoliers avant.
J'ai failli me mettre à pleurer, comme s'il y avait un lien entre cette rage et quelque chose de très ancien, lié à la petite fille que j'étais.
Mais je soupçonne Robert d'être un peu magicien...

Le bel été

Elle est terminée et s'appellera le "bel été".

C'était aussi ça dans ma tête,

Une sorte de trêve, de respiration, après les jours difficiles de la fin et le début d'année.

Juste un jour ou je n'ai pas trop senti la pression de l'expo, où je n'ai pas été trop angoissée, par la peur de ne pas être à la hauteur.

 

La fameuse hauteur, cette phrase que je me suis entendue dire mille fois:"Tu mets toujours la barre trop haute. Dans ton travail, dans tes relations avec les autres, tu es excessive, tu réagis trop émotionnellement pour tout, tu ne prends pas de recul, tu n'as pas le sens de la mesure"....etc....etc

Qu'on me dise une bonne fois pour toute quelle est la hauteur réglementaire, la bonne mesure, la bonne distance.

 

Lu hier cette phrase que je cite de mémoire,

"Quand tu auras fracassé le mur avec ta tête, que feras-tu dans la cellule d'à côté ?"

Ça, ça me ressemble assez, même si, comme pour les barres trop hautes, la mesure et la distance c'est assez regrettable...

 

La rive intime

Hier soir ...

L’eau commençait à bouillir pour le thé. La maison était silencieuse.
Je me suis mise à exister à peine pour ne pas déranger le monde.
La pluie, les feuilles de thé qui se dépliaient sans bruit dans la théière. La lumière épuisée qui sombrait dans la maison. Aucune raison de déranger l’ordre des choses Aucune raison d’exister plus fort que tout ce qui était autour de moi. J’ai laissé passer ces mots devant mes yeux.

Eloge de la fuite.
Lâcher prise.
Laisser faire.
Faire l’impasse………

J'aime un point rouge

Très tôt le matin,  lorsque je me connecte au blog, sur la petite carte du monde, tout en bas .. Il y a deux petits points rouges
L'un que je situe assez mal, du coté de la Russie je pense, et un autre en France, moi sans aucun doute.
L'indicateur indique deux visiteurs.
J'ai fini par aimer cette présence-là, au petit matin. j'aime partager cette petite heure du jour , le sentir là, à ce moment où je me tiens à l'orée de la journée, tasse de thé à la main, incertaine, et désoeuvrée. Je suis déçue et triste quand il n'est pas là.
Depuis peu, ma solitude se teinte de points rouges. Je sais c'est dérisoire et pourtant profondement tendre.

Et la nuit effacera tout

Je n'avance pas très vite sur cette sculpture..

Pas de difficulté particulière, juste peut- être que le "vraie vie" est entrée un peu par effraction ces temps-ci dans la bulle.

Aussi je suis un peu dans ce territoire marécageux, ni dans mon travail, ni vraiment efficace dans la vie.

Ici, je ne reconnais plus rien:
Le Temps est redevenu des heures

Fini être libre possesseur du silence.

Alors la fatigue s'insinue, comme une lenteur ancienne.

 

D'habitude quand je ferme la porte de l'atelier  l'obscurité, l'humidité,et le silence envahissent tout.

Et une autre vie commence entre la terre et l'eau .

 

Ce soir, j'ai juste fini mon travail..C'est rien et ça change tout.

A la nuit tombante, je me ferai un dernier thé brûlant, devant le fenêtre, face au jardin qui s'ourlera de bleu ..

il parait que demain est un autre jour...      

Un printemps comme l'hiver

Dimanche

Une lumière froide et grise filtre à travers les grands arbres du jardin,
Il est tôt, il va falloir affronter la journée.
Mais, cette lumière-là, vous ferait perdre courage.
Pourtant on a vidé, épuré sa vie, pour que seule la sculpture subsiste.

On se dit aussi que puisque on épure sa vie
Les œuvres aussi, seront épurées.
Qu’a force de travail et de réflexion on peut approcher de l’essentiel,l’approcher seulement…..
Et je sais que si je m’approche de l’essentiel, je m’approche aussi se ce que je suis réellement.

Et c’est là évidemment que la peur attend.

La sale peur,
Celle qui depuis toujours nous fait trembler et suer.
La peur de soi.

Mais est-ce qu’un être humain a un autre choix, que d’aller vers ce point-là ?
Point de rupture, peut être.
Mais aussi  point ou se concentre la lumière.
Même si on sait que cette lumière-là peut vous réduire en cendre.

Samedi

Pas de week-end à Paris, parce que la Vie en avait décidé autrement, pour la famille de Flo, avec la brutalité dont elle sait faire preuve.

 

Vendredi derrière la "Petite méditante" se tenait en attente l'ébauche d'une autre sculpture, je l'ai avancée ce matin, uniquement ce matin, attentive aux inquiétudes des miens qui trouvent que je travaille trop.

Et puis pas trop le coeur à ça...