Deville-Chabrolle Journal d'atelier (retrouvé !)

Samedi, Dimanche, Lundi

Samedi

Froid glacial, et vent. Après avoir fait le minimum syndical dans la maison, Je commence à me sentir angoissée, du mal à respirer la vie me fait de temps en temps une crise d'asthme. La cohabitation avec moi même ne me vaut rien. je ne connais aucun autre remède que d'aller à l'atelier, pour y travailler. Repris "l'imprécateur", lui ai donné un visage, pour me rassurer, je vis avec mes fantômes

Dimanche matin séance de pose, avec mon modèle préféré, On parle on cherche......

Lundi retour officiel au travail.

Parmi les mails, un oncle, perdu de vue depuis une trentaine d'années m'a retrouvée par hasard sur internet. Il a envoyé des photos de mon père jeune, et de ma soeur et moi, petites. Ma mère n'est nulle part sur ces photos là.

Je vis en creux, dans un angle mort....

je continue ""l'imprécateur"..... celui qui demande des comptes au ciel.....

Cherche Titre

Enfin mes trois hommes-foetus sont terminés......

Justine m'a fait une photo montage pour que l'on puisse voir les trois assez proches, comme ils le seront en bronze.

Reste à trouver un titre, pas d'idée pour le moment....

 

Cet après midi j'ai donc repris "l'imprécateur".

Je pense le terminer vers la fin de la semaine prochaine si tout va bien.

Et faire venir Mr Renault pour tout faire mouler à l'atelier.

Juste à temps pour aller à Lyon voir le spectacle de danse de la Compagnie Japonaise Sankai Juku

De quoi changer un peu de l'atelier, reprendre son souffle, et trouver une nouvelle inspiration.

Pas de fourmi

Quatre des petits hommes en plâtre sont prêts à partir vendredi, pour leur nouveau moulage en élastomère.
Deux autres reviennent le même jour, du creux perdu.

On progresse à pas de fourmi.

Nous nous sommes entendus avec Mr Renault,  le mouleur, pour qu'il nous rende au moins un plâtre  par semaine.

Le temps que les garçons les retravaillent et quelles repartent pour l'élastomère, puis qu'Olivier les fondent, et qu'enfin je détermine la patine...

Pourvu que tout soit prêt pour Octobre...

J'ai terminé le troisième Homme-foetus ce soir, mais n'ai pas eu le courage de me lancer dans ma nouvelle technique pour l'habiller.

J'attends demain être reposée et concentrée. Il y a trop de place au hasard dans cette technique,  il faut être extrêmement attentive.

 

En même temps beaucoup de ventes en galerie, certaines pièces s'épuisent, il va falloir en créer de nouvelles puisque j'ai décidé qu'aucune des pièces de l'expo, ne serait vue en galerie avant Octobre.

Aujourd'hui Jérémie m'a donc préparé de nouvelles armatures.

 

Cela fait  un an et demi que je travaille double: pour avoir toujours de nouvelles sculptures en galerie et en même temps des pièces inédites pour l'expo.

Ça commence à faire beaucoup, et finalement j'appréhende un peu, l'après expo...une sorte de vide vertigineux.

Histoire de désir

Les trois hommes-foetus me posent problème,

Finalement , j'ai défait le troisième, sur lequel j'avais travaillé tout hier.

L'échec d'hier, m'a un peu découragée. Cette technique est beaucoup plus difficile qu'il n'y parait.

Finalement, je suis revenue au second.

Je suis arrivée au résultat que je souhaitais.

Du coup le désir est revenu, je pense que demain j'aurai fini.

Comment les « folles » viennent à vous ?

C’est une histoire de capillarité, la définition en physique est celle-ci: "Phénomène d’ascension des liquides dans les tubes fins, dû à la tension superficielle entre des milieux de natures différentes".

J’ajouterai que dans mon cas c’est un phénomène souterrain, les tubes fins auront été dans ce cas :

Une exposition de Makhi Xénakis  intitulée «Les folles d’enfer de la Salpétrière», moins l’expo d’ailleurs que d’apprendre l’histoire des ces milliers de femmes (jusqu’a huit mille enfermées).
Leurs fautes ? mendiantes, filles mères, ivrognes, adultérines criminelles, sorcières, juives, impies, libertines, crétines Etc.…..

 

Une discussion avec quelqu’un de proche qui me parlait de «l’hystérie» de sa femme.

 

Des livres lus à la suite de cette discussion, par simple curiosité intellectuelle, l’invention de l’hystérie, Art et psychiatrie, les mardis du docteur Charcot.

 

Et mille autres coïncidences, petits capillaires, qui viennent "de milieux différents" comme le dit la définition.

 

Jusque là rien n’est proche de vous. Vous croyez simplement à une légitime curiosité intellectuelle.
Et puis petit à petit, ces capillaires se rejoignent et une réflexion personnelle commence.
Qui ? Selon les pays, les cultures décide de ceux qui sont hors norme ou pas ?

Qu’est ce qu’un comportement normal ? Normal par rapport à qui ? Ou sont écrites les règles, et par qui ?

 

Attention tout cela se rapproche dangereusement de vous de vos propres doutes, de votre insécurité personnelle, et puis soudain d’extérieure au sujet vous vous retrouvez par un imperceptible glissement de terrain en plein centre du sujet.

C’est de votre propre normalité dont il est question, de vos propres angoisses par rapport à ces milles questions qu’on vous a posé sur votre manière d’agir ou d’être tout simplement

Tout au long de votre vie.
Vous, et de votre rapport si difficile à la Réalité.

 

Et la pression, la tension devient  si forte que l’angoisse vous submerge chaque jour un peu plus. C’est là qu’on se met un jour à créer ce que nous appelions gentiment entre nous « les folles ».

Lassitude

Le trio est terminé, je n'ai pas voulu commencer le travail des tissus.

Il me faut pour cela de la solitude, du calme et de la concentration.

J'ai essayé sur le "pèlerin" une nouvelle technique, afin, qu'hormis la forme générale du tissus, les plis, craquèlements, et autres accidents de la terre soient travaillés d'une autre manière.

J'ai donc réservé mon week- end pour cela. Quand l'atelier sera vide.

J'ai  commencé le modelage de celui qui pour le moment s'appelle "l'imprécateur" (je sais que je ne garderai pas ce titre, car ce n'est pas exactement le sentiment que je veux traduire)

Enfin je l'ai commencé... et puis à deux heures brusquement, devant l'ampleur de la tâche

un énorme découragement, comme il m'en arrive quelquefois.

L'impression que je n'arriverai jamais au bout de ce travail.

Pas celui ci précisément, ce travail sans fin qui consiste à faire sortir de soi des images

qui sont des morceaux de soi, de ce que l'on ressent.

 

Les questions qu'il ne faudrait jamais se poser: "A quoi bon? et qui ça intéresse mes sentiments?"

quelquefois même plus moi...

Je suis fatiguée...