Deville-Chabrolle Journal d'atelier (retrouvé !)

Marie rêve

La nouvelle est arrivée aujourd'hui. Après l'expo de Lyon en Mai, notre galeriste de Bayonne nous a proposé une expo double: Bayonne et le Portugal, dans un site de rêve. Pour Juin.

Alors bien sûr, beaucoup de travail, mais est-ce vraiment du travail.  Moi je traduis ça en nombre de rêves. Combien de territoires en soi à explorer? combien d'histoires à se faire raconter par les sculptures? Combien  de personnages, dont j'ignore tout aujourd'hui, peuplent encore ma tête? est-ce que c'est sans fin, les portes que l'on peut ouvrir en soi?

Mais déjà des rêves se profilent, c'est l'histoire d'un prêcheur de silence.....

Petite soeur de terre

Petite soeur de terre, je te regarde, essayer d'ouvrir les ailes que tu n'as pas.

Pour t'arracher à la pesanteur.

Petite soeur de terre, je crois qu'on y arrivera pas, mais essaye encore, moi je commence à vieillir et mes ailes me font mal.

Mais, toi qui sait? peut -être que demain à l'atelier il n'y aura plus rien, qu'un peu de poussière,  la trace légère de ton envol.....

Le regard de Flo

C'est fait!
Flo a accouché de son film. Dimanche soir elle est venue à la maison et m'a montré enfin le résultat.

Je l'ai regardé comme si je redécouvrais la maison, l'atelier, et le travail au quotidien.
Mais c'était son regard , à elle, sur tout cela. Un regard tendre,  juste, sensible et pointu. A la fin je ne savais plus quoi dire, tellement j'étais émue. Je l'ai juste embrassée.

Mais j'ai pensé que j'avais de la chance d'avoir une amie comme elle, qui a  talent, et qui me surprend toujours. De plus, ce film-là, c'est un des projets qu'on a réussi ensemble parmi tous les rêves plus ou moins sérieux qu'on a pu échafauder au cours des années.
C'est aussi le témoignage d'une amitié riche, dense.
Et ça , c'est mieux que tout.

Comment Kiya change le monde

Encore une fenêtre me direz vous? ....Oui, au risque de me répéter, parce que la fenêtre ouvre un espace vital.

Kiya a eu trois ans aujourd'hui.

Ce n'est rien trois ans, mais en quelques secondes elle nous a changé le monde. Le soleil irradiait la maison et depuis l'obscurité de la chambre, soudain tout le jardin s'est rempli d'une myriades de bulles, le silence s'est fait et c'était l'irruption de la poésie même.

Une petite fille qui, avec tout le sérieux que demande cette tâche,  depuis le rectangle d'ombre d'une fenêtre, nous renvoie à la lumière et la perfection fragile et légère, de la vie.

"Les veilleuses d'âmes"

Justine et moi, avons essayé de faire un montage photo, "des veilleuses d'âmes" en groupe. Assez décevant, pas de profondeur,  pas d'éclairage cohérent, donc pas d'ombres cohérentes.

Peu importe je me rendrai mieux compte avec les plâtres, celle du centre est revenue à l'atelier vendredi et j'aurai la dernière, la semaine prochaine... nous pourrons faire des essais plus concluants.

Aujourd'hui, ce qui passe avant tout c'est les trois ans de Kiya, ballons partout, cadeaux et bonbons prêts, c'est elle la reine de la fête.

La discrète

Marie-Hélène.

Quand je travaille, elle est au dessus de ma tête, dans la vie aussi.

A l'atelier, au-dessus de ma tête c'est le bureau. Mine de rien dans le bourdonnement de son activité, c'est elle qui protège mon silence... j'entends les coups de téléphone des galeries, du fondeur, du comptable, des gens..

Les dossiers qu'on range, les papiers qu'on froisse, l'imprimante, le fax, au milieu de tout ça je l'entends aussi chantonner, aller, venir, râler, rire avec Justine. Cette rumeur-là, c'est sa façon d'être auprès de moi, elle protège ma bulle, elle me protège de moi, aussi, à sa façon....

Nos maisons sont à un jet de pierre, alors dans la vie elle est aussi au-dessus de ma tête, elle sait que mon chemin est chaotique, plein de doutes ou d'enthousiames désordonnés, elle tempère les uns et les autres...

On se connait par coeur. Elle est ma rassurance, ma raison, je suis sans doute un peu de la folie qu'elle ne se permet pas...

Roman-photo

Premier préalable, je jure que je ne les fais pas "poser".
Je me contente de les prendre en photo là où, les Jérémie les range en fin de journée.

Alors dans la série "si on écrivait un roman-photo", la suite de l'aventure palpitante de nos "voyageurs".....

Je ne sais pas ce qu'il lui a dit, ni ce qu'elle a bien voulu entendre, mais après une nuit.. et une journée où ils ont été poncés, entourés, caressés par le soleil, ce soir, il semble qu'elle se rapproche de lui.
Il me dit que :"le voyage a été difficile, qu'elle est fragile, souvent distante".
Elle me dit :"qu'elle cherche toujours son cinquième point cardinal....et qu'il semble avoir oublié le but qu'ils s'étaient fixé".
Je ne répond rien, je fais semblant de travailler sur ma nouvelle sculpture ... silence

Prochain épisode lundi....

Donner aux autres

Voici celle qui était enfouie dans la terre. Celle que j'ai arrachée de l'ombre où elle dormait.

C'est peut-être pour cela qu'elles ont toujours l'air un peu triste...

Voici aussi, probablement celle qui dormait au fond de moi.

Finalement tous les artistes cherchent au fond d'eux-même, les matériaux qu'ils vont montrer aux autres.C'est toujours le même voyage, plein d'incertitudes, durant lequel rien n'est jamais donné immédiatement.
Cet effort consiste à trouver les matériaux, puis à chercher la meilleure forme, pour les donner aux autres.

Atelier d'été

Aujourd'hui, c'était un peu les vacances, même pour les sculptures,  à peine revenu à l'atelier le couple se sépare, elle, s'éloigne,  va vers le soleil, ...lui dans un geste d'invite, semble vouloir la faire revenir, la ramener à plus de raison. En tout cas rien n'est perdu elle lui a laissé sa main en gage d'amour.

Qui osera encore dire que les sculptures n'ont pas d'âme, de tourments, de désirs, une vie dont nous ne savons rien?

Leurres, anamorphoses etc...

Le "Pasteur" hier, je n'aimais pas la position du bras droit, j'ai retravaillé cette partie et la cape. Je l'aime mieux comme ça.          

Robert, "le magicien", est arrivé ce soir avec un petit cadeau, pas de bon-points cette fois, mais un petit texte, fragile, accroché à un  porte photo minuscule... le texte se termine par cette phrase "La sculpture procède plus de la contemplation que de l'anecdote".

J'aime beaucoup cette phrase, et je la tiens pour vraie, en ce qui me concerne. Le "Pasteur" n'est pas la représentation d'un pasteur bien sûr , mais plus largement il exprime une "manière personnelle de se tenir devant soi, et devant le monde". L'anecdote n'est que dans le titre, et encore elle est à double tiroir, si on a lu le livre on sait que "le pasteur" n'en est pas un...il est lui aussi la repésentation... Heu....

Je suis en train de lire" Leurres, anamorphoses..etc" de la revue Area,"l'art pense le monde" alors déjà que je ne suis un peu compliquée, peut être que ça ne m'arrange pas....