Deville-Chabrolle Journal d'atelier (retrouvé !)

Abstraction

Bonne nouvelle aujourd'hui, ma galerie de Lyon, La "Galerie de la place", va prochainement s'agrandir. Pour l'inauguration ils m'ont demandé une grande expo sculptures pour Avril 2006 et peintures si possible... ça on verra.

C'est bien, celle de Paris sera terminée, juste quelques nouvelles pièces à créer....

Où l'on reparle du désir... le désir de votre travail qu'a un galeriste, c'est comme en amour le désir d'un homme.

Je ne suis artiste que quand les autres me nomment comme telle, sinon je ne suis rien, enfin juste moi, une femme sans qualité particulière, une femme en creux..

Le mot me sort de cette abstraction que je suis...

"Le pasteur" est preque terminé, les pieds encore, et changer le geste du bras gauche que je trouve un peu féminin...

Monsieur Renault, le mouleur nous ramène demain le grand plâtre "du couple", tout le monde est content de les revoir.....

Vivre...un peu

Voilà... la troisième "veilleuse d'âme" est terminée, je vais essayer de faire un montage photo pour me rendre compte de ce que donnera le triptyque, mais je suis tellement nulle en informatique......

Finalement le voyage à Nancy, pour Daum a été repoussé à la semaine prochaine, comme ils ont la pièce originale,  ils vont déjà refaire un moule en élastomère, retirer un plâtre, sur lequel je ferai directement les retouches nécéssaires à leur technique...

Malgré les potions de l'homme -médecine je suis toujours aussi fatiguée, je vais finir "Le pasteur" que j'ai commencé pour Flo et après on verra..

Je voudrais vivre aussi ...un peu ...

Les sculptures qui n'existent pas

Ce sont celles que vous ne verrez jamais en galerie. Celles peut-être que j'aime le plus.

Les fragiles, les malmenées, les terres perdues qui nous reviennent quelquefois de chez le mouleur.
La première, je l'avais appelée "La reine Margot"... titre éphémère pour sculpture disparue.....      

La seconde est comme ces anciennes danseuses dont on dit qu'elles ont été très belles...
Elles nous échappent comme les souvenirs des êtres disparus.
On se souvient de la bouche, des yeux, de presque chaque détail, mais l'ensemble du visage nous échappe toujours...

Je vous écris du haut des arbres

Il y a quelque chose de particulier à boire un thé brûlant en regardant le jardin dehors.

Il y a quelque chose de l'enfance à se tenir comme ça, à l'extrême bord de la journée, comme s'il y avait quelque chose à ne pas manquer, comme si les arbres nous rendaient libres possesseurs du silence...

A travailler sur la nudité du corps, sur sa vulnérabilité, c'est comme si cette fragilité s'insinuait en nous. La solitude comme de l'eau. c'est souterrain, ça s'infiltre dans les moindres fissures, et puis un jour il y a un glisssement de terrain infime à la surface, et puis un autre. C'est imperceptible....

Mais c'est bien, on vit en creux, en absence, on rêve d'écrire depuis le haut des arbres...

Le ventre rouge de la terre

Hier, l'oeil de la caméra était fixé devant l'atelier, gros insecte noir à l'affût de "l'Image". Flo a tourné quelques plans qui lui manquaient, moi j'ai travaillé, absorbée au point de l'oublier. L'insecte.

Absorbée est le bon terme, entre le moment où j'entre dans l'atelier et celui ou je commence à travailler, j'ai souvent l'impression que la terre, petit  à petit, m'aspire dans son silence,  m'absorbe littéralement. Depuis cet infime échange  peau à peau, ou à pleines mains, quelquefois, je finis dans le rouge de la terre... à ne plus voir, à ne plus entendre,  ce qui vit autour de moi...

Les "veilleuses",  elles, ont pris leurs distances, se sont mises à parler d'autres choses.......

Mais c'est normal, j'imagine qu'elles préexistaient depuis des millénaires dans le ventre rouge de la terre, et que je n'ai fait que les en arracher, par hasard.
Elles ne sont ni de notre monde, ni de notre temps, et notre "insoutenable légèreté" leur est étrangère...

Les iris mauves

J'ai de nouveau travaillé dans le plaisir le plus total, il faisait beau, le soleil régnait en maître dans l'atelier, dehors les iris mauves, le saule, la lumière partout.. et personne. Du coup, je n'ai plus surveillé l'heure et bien sûr, et je ne rentre que maintenant.

Peu importe,  la dernière "veilleuse de chagrin d'âmes" avance, plus que les mains, les pieds, et les cheveux, et après revoir bien précisement, les mesures pour qu'elle soit de la même taille que les deux autres.

Flo, spécial pour toi, ton homme est bien avancé, il a son visage, donc je sais qui c'est, "Le pasteur" un des personnages du livre de Saramago, "L'évangile selon Jésus-Christ",  je sais que tu as acheté le livre dimanche dernier, je sais aussi que tu n'a pas eu le temps de le lire, mais tu verras....je suis sûre que c'est lui.

Lundi je dois aller, à Nancy aux ateliers Daum, pour la nouvelle pièce qu'ils doivent éditer, si c'est possible je ramènerai des photos, il y a des gens là-bas qui font un travail sublime.

Les ailes du désir

Bon, je sais, je n'ai pas écouté mon médecin.
Mais il me faut l'air de l'atelier pour respirer. Pour sentir que j'ai un endroit où exister. 
La troisième "veilleuse d'âmes" m'attendait, celle qui aura un geste vers nous....

C'est peut-être elle qui m'a tendu la main, ou plus certainement vos messages d'encouragement.
Et l'attention des miens.

Merci ça m'a fait du bien, le moral va mieux, la fatigue me plombe un peu les ailes, mais celles du désir ont pris le relais....

De bonnes nouvelles aussi de Flo, enfermée dans le studio de production,  le montage du film avance...
Elle m'a promis de mettre sur le "journal d'atelier " des petits extraits de quelques secondes...
On découvrira ça ensemble parce que pour le moment c'est "secret défense"....

En pure perte

Regardez-la...

si droite, sous la morsure du feu.

La petite "folle" si fragile en terre, quand elle était encore à moi, à l'atelier.

Aujourd'hui c'est moi, à qui il faudrait une armature pour tenir.

Si je me connaissais, je voudrais me quitter.

Le gris est une couleur pour mémoire

Le médecin a parlé de surmenage, alors j'ai regardé le bout de mes chaussures.

Il a parlé de repos, alors j'ai pleuré.

le corps qui dit son refus, le corps qui parle à voix haute.

L'imagination qui vole, l'esprit qui tire vers l'avant, impatient, et le corps qui capitule, renonce, lourd du plomb de l'épuisement.

Le repos obligatoire  monte ses murs gris autour de moi, et l'atelier se ferme à demi.

Pour quelques jours,et à demi seulement.....

"Tout m'altère, rien ne me change"

Chez flo, il y avait cette sanguine-là, que j'ai faite il y a quelques années.

La gorge serrée, je me dis que rien n'a changé....