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Dans la vie il y a toujours des petites filles qui attendent....
On leur a appris l'infinie patience.
Les petites filles pâles attendent, toutes seules, dans le noir.
Elles ne savent pas quand finira l'attente. Mais on leur a dit de rester là. Alors elles le font.
Avec l'attente on commence déjà à leur enseigner les premières notes du silence.
Et la peur définitive du noir.
Il y a quelque chose de très doux de très lumineux qui flotte dans l'air du temps....
Quelque chose de l'ensommeillement, de la fluidité et de la grâce.
Il y a des guerres qui sont en voie d'extinction en moi. Des territoites entiers en état de paix.
Un silence inespéré.
Antonio mon mouleur est arrivé tôt ce matin...
Le temps de boire un café et nous étions devant les sculptures. Lui à réfléchir à ce qu'il devait découper, mouler séparément etc...et moi à stresser.
Je déteste ce moment . Je suis à la fois rassurée parce qu'il est là et que je sais que les sculptures ne risqueront plus rien , et angoissée parce que j'ai peur de l'accident de dernière minute.
J'ai preferré le laisser seul, dés que j'ai su que je ne pouvais plus lui être d'aucune utilité.... et je suis allée m'acheter des trucs de fille...pour fille qui stresse.
Vous savez ces petits riens en cachemire et soie, avec des bretelles toutes fines qui glissent sur l'épaule en été, bon...
1)j'en ai acheté plein
2)après évidemment faut le bas qui aille avec...c'est obligé
3)et puis à côté, il a encore celui là, qu'on avait pas vu avant et qui non seulement à les fines bretelles, mais en plus à un si joli dos ouvert...et puis cet autre qui a une couleur de nuage!!!
Bref je suis revenue très, très.... déstressée. Nous sommes allés dans un petit restaurant pas loin déjeuner, mais à 16 h ,Antonio, Le monde de Sisyphe, la belle et son voile partait vers Paris et moi j'étais à la maison devant mon thé . Celui que je preferre, qui dit , tu es chez toi, tout va bien, le reste de la jounée va filer doucement entre tes doigts.
Encore un jour entre Pesanteur et légéretè.
Légèreté.... enfin....un peu frivolité quand même.
Bon, quoi? suis toujours obligée de porter des vieux trucs qui ne risquent rien à l'atelier, à cause de la terre et du plâtre!
Depuis ce matin je refais le monde. En toute humilité.
Seule devant ma planète rouge, je lui ai réinventé de nouveaux territoires, creusés de cours d'eau à présent asséchés, mais dont la terre a gardé la mémoire...en pure perte...Des trous noirs, d'oubli.
Sisyphe pousse son univers intérieur, et moi le mien.
Sa mère la terre ne l'a pas enracinée.
Elle est libre, sans terre, nomade.La terre où elle pose de pied devient son territoire. Sa terre de naissance.
Moi,le Vent, son père, je lui dit de ne jamais cesser de voler.
De ne pas céder à la pesanteur .
D'être fragile, aléatoire .
D'être de la poésie.
mais elle n'écoute ni la terrre ni le vent.
Depuis toujours elle est d'ailleurs.
De plus loin .
Voilà une nouvelle histoire se termine dans mon atelier pour commencer sa vie ailleurs. Dans vos coeurs peut être.
Elle s'appellera "la fille de la terre et du vent".
Non, je ne joue pas à l'artiste- pleine -de mystère en ne vous la montrant pas ce soir, c'est juste que j'ai oublié mon appareil photo à la maison.
Et , quand j'ai jugé qu'elle était finie, que l'essentiel était dit, et le superflu supprimé,quand je l'ai examinée minutieusement sous tous les angles , et que je l'ai remise sous ses voiles humides, quand j'ai refermé le sac plastique très soigneusement pour qu'elle soit à l'abri de la chaleur.... voilà, tout d'un coup je ne sais pas comment dire ça...Disons que puiqu'elle était là, dans l'atelier, je n'avais plus d'utilité à y être .
Je ne servais plus à rien.
Elle était là, ça suffisait.....
Après tout, ce sont peut être mes sculptures qui me créent chaque jour....
La belle et moi nous nous battons contre la chaleur....je travaille un détail, une main, et laisse le reste du corps sous les linges mouillés.
Je vais boire un thé, brumisation d'eau et protection de plastique pour elle.Thé et repos pour moi.
En revanche la chaleur nous arrange pour le plâtre.
J'ai commencé l'armature du voile, rupture de stock de grillage ultra fin pour la sculpture, fait chaud faut se décider vite...système D de rigueur.
Je "tricote ",j'emberlificote", je "traficote" des fils de fer fins, recouverts de bandes plâtrées ,j'ajuste les courbes et puis j'élargis le voile.
La terre mouillée, le jus de plâtre me coule le long des bras
mais ce soir, c'est mieux que sur la photo....restera à créer la matière demain.....
Enfin ma belle repose du bout du pied sur le voile que le vent pousse .
Quand toutes les armatures auront disparu......elle volera
Lundi.
Fini de rêver.
Reprise en main sévère de la jeune personne.
Déshabiller et tout reprendre.
La sculpture c'est le contraire du laisser-aller, c'est de la rigueur, de la concentration, et l'oeil qui compare, mesure, évalue....C'est sans doute la sculpture qui m'a appris le silence......... encore beaucoup de corrections à faire à la fin de cette journée. Mais j'avance.
Trop facile de cacher certaines imperfections sous le prétexte du "de toute façons cette partie là sera cachée", MOI; je le saurai que dessous c'est pas bien fini. Et ça suffira à gâcher mon plaisir.
Alors que ce soit pile ou face, caché ou pas, je veux qu'elle soit belle, je veux que celui ou celle qui l'achètera puisse deviner que sous le voile existent les rondeurs de la hanche, la courbe de l'épaule, la cambrure des reins.
De quoi remplis-tu ta vie Marie ?
Du parfum de fleur d'oranger dont je parfume mon cou chaque matin, comme d'autres mettent des bijoux.
De terre douce que je sculpte dans la douceur de heures lentes, pour donner forme à un monde qui me ressemble.
De livres empilés dans mon bureau, dans ma chambre, dans l'atelier, sur une chaise de la cuisine... Un livre ne doit jamais être plus loin que la portée de mon bras.
De l'odeur de mon jardin, de celle du cou de Kiya, de l'odeur du livre neuf que l'on ouvre, de l'odeur sucrée des fruits d'été, de celle du thé, de l'odeur de la nuit et du jour naissant.
Du silence et des musiques qui vivent dessous, de la page blanche et des mots qui se cachent 
dedans, de la courbe si pure du vol d'une tourterelle quand j'ouvre la fenêtre de ma chambre au petit matin. Des mots que je reçois, de l'amour qu'on me donne, même de loin.
Et là, maintenant, ce soir, par la fenêtre ouverte du bureau, des derniers rayons du soleil qui sont en train de poser leurs feuilles d'or pur sur le pied de l'arbre, sur la table de bois sur laquelle j'ai bu mon thé cet après-midi.
"Jardin bleu" dans l'ombre tendre de ces grands arbres, le cou caressé par les petites mèches rebelles des cheveux sagements attachés.
Il y a des jours pleins d'or, de sagesse, et de beauté.
De cette terre dure sèche et craquelée, des déserts. Ou l'eau même, ne pénètre plus que par les failles que la terre ouvre au ciel.
Fragile et hérissée de défenses dérisoires, forte comme le vent qui l'a sculptée, elle avance vers sa lumière.
Elle s'élève vers son ciel.
Je l'aime comme ça, sous cet angle, tournée aux regards, tendue vers vers cette seule lumière .
La vie la transperce, mais elle avance.
Elle avance seule, dans son désert à elle.
Le désert qu'elle s'est choisi.
Pas de terre promise, juste de la lumière promise.
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