Deville-Chabrolle Journal d'atelier (retrouvé !)

L'enfant-liane

Depuis ce matin, je tente de l'apprivoiser.

Nous n'en sommes plus au travail brutal d'hier, ou il a fallu amonceler des kilos de terre  , pour qu'elle s'en dégage, enfin...un peu . Pour qu'émerge cette petite silhouette sinueuse et longiligne.

Ces seins d'argile tendre, son  ventre doré.

C'est une enfant-liane, lovée depuis la nuit des temps dans la pénombre humide et chaude de la terre.Enroulée  entre les racines des arbres, et de vielles pierres ensevelies.  Elle s'est  étirée avec une lenteur  végétale ,  vers la lumière.

C'est tout ce qu'elle m'a dit d'elle aujourd'hui.....

C'était beaucoup.

Un seul pas

Je ne pourrais pas dire qui d'elle,ou de moi était la plus tendue par l'effort.

Elle, qui voulait naître sans rien révéler de ses secrets, ou moi qui ai filé toute la journée l'écheveau de fils qui me mèneraient à elle.

Toute la journée j'ai vécu comme elle, entre terre et eau. Oublié de déjeuner , de me reposer et bu de l'eau encore et encore.

A la fin de la journée, elle n'avait pas cédé un seul atome de sa vérité...Alors, nous nous sommes quittées en silence comme nous l'avions été toute la journée....Je pense qu'elle attendait mieux de moi....., moi aussi.

Mais dans une journée entière de travail, on ne fait que frôler une sculpture....On fait à peine un pas....Il faut  l'infinie patience....et le dos qui fait mal et les crampes dans les mains. ....Et l'insatisfaction....

De très loin

C'était hier.

Au réveil.

Elle était née, depuis je ne sais quand, depuis plusieurs jours sûrement sans que je ne m'en aperçoive.

Mais au petit matin elle était là dans ma tête. Pas dans le détail bien sûr, mais ,elle, quand même, sa silhouette, et le désir d'elle.

On ne peut pas expliquer, on se réveille avec ce désir au creux du ventre, cette jubilation que rien ne justifie, l'urgence d'être à l'atelier, seule, comme revenir à sa terre maternelle.

Je sais pourtant que son visage ne me livrera rien, qu'elle sera un monde clos, presque jusqu'au bout, que son univers est en elle. Rien, rien ne me sera accordé, elle ne livrera ses secrets qu'à son rythme, heure après heure.

Malgré les armatures déjà préparées, c'est elle qui veut accéder à la lumière...c'est elle qui vient d'abord sur le chemin de mes doigts......de très loin....

Au fil des mots

Et puis il y a d'autres fils invisbles, qui à force de se mêler font des passerelles translucides et fragiles entre les gens.

Ces fils sur lesquels on a brodé des mots, puis envoyés, quelquefois, des ponts suspendus étirés jusquà l'infini au dessus du vide, des fils qui lient mieux que des serments.

Parce qu'on a rien à se promettre, justement.

Sauf, peut être un jour, d'emprunter la fragile passerelle, peut être, un jour....

Et si parmi ces milliers de ponts supendus improbables, il se trouve que l'on prenne le même...  alors les deux rêveurs peuvent se rencontrer...mais le passage est si étroit que deux personnes ne peuvent passer de front....tout rêveur connaît cette règle...

Ils avancent quand même, parce qu'il n'y avait justement aucune chance que ça arrive.

Ils se regardent, s'approchent tout près, se touchent et...leur corps passe à travers celui de l'autre.....ce qu'ils ont ressenti à cet instant précis? nul ne le saura jamais.

La seule chose que l'on sait, c'est que depuis ils ont souvent ce sourire étrange , très doux qui leur vient quelquefois...un sourire que personne ne leur connaissait avant...et on les trouve de plus en plus rêveurs...

Les fils invisibles

Sait-on combien de fois par jours on coupe, ou croise un de ces fils invisibles...

Du haut de mon escalier je regarde un des grands platanes, mon préferré,ce fil invisible est là , tendu entre nous, un oiseau passe trop haut pour couper le fil mais sa trajectoire tisse un fil perpendiculaire, si kiya passe en courrant dans l'allée un nouveau se crée, par mon regard, de l'arbre à Kiya  et ainsi toute la journée....plusieurs jours quelquefois.....

Alors s'il n'y a pas d'accroc ...il suffit de prendre la toile ainsi créée , un pinceau , de la couleur .......et de peindre la couleur du temps ...

Ecrire

Ecrire pour moi

Une histoire un peu étrange, d'une femme qui ne parle jamais d'elle, jamais en son nom.... mais dont les autres parlent. la ville est  une ville désertée,nocturne, chaude une ville qui serait devenue une sorte d'organisme à l'agonie....

Inventer

Ecrire pour soi et pour vous,aucune différence , c'est comme penser , ou rêver a voix haute...à la fin d'une journée souvent...les doigts encore un peu engourdis du travail de la terre. ou alors écrire la réalité telle que je veux la voir..

Et puis voilà deux fois qu'on me propose d'écrire des éditoriaux pour d'autres sites, je m'interroge...je n'ai jamais fait ça encore.....Je ne sais pas si j'en suis capable ...mais ......si je suis libre d'écrire à ma façon (qui est la seule que je connaisse) ....je suis très tentée ...pour voir ...et puis écrire de toutes façon c'est une jolie manière d'exister à demi...

Les oiseaux du désir

Ma vie  rêvée ressemble à ça.

Une solitude sereine, une danse extêmemement subtile à la limite de l'immobilité entre ombre et  lumière..suivre le rythme des rêves qui se déroulent à mes pieds dans l'opacité  de l'imaginaire.

Intériorisée.

Absente.

la réalité est hors d'atteinte.

Restent les oiseaux du désirs, qui planent dans l'air calme.

L'effraction du rouge

Il y a quelques temps on m'a demandé pourquoi passer une "soirée agréable "n'était pas suffisant pour moi.

J'y ai réfléchi avec tout le sérieux que mérite cette question:  Exemple je suis seule à la maison, sur mon canapé (petite couverture rouge sur les genoux: Obligatoire, coussin, tout. A portée de main un thé et en cas de détresse: yaourt (leetchhees et rose)je viens de les découvrir j'en suis folle et/ou mouchoirs en papier....selon le film, l'important étant de ne plus se relever,)je me passe un film que j'aime..... voilà une "agréable soirée".....Il y a d'autres exemples mais ce serait trop long....et certains vont perdre le fil...

Maintenant une vraie soirée, pas que....agréable, plus plus belle, plus magique...ça pourrait être comme sur la photo...bon d'abord il faut être deux, que le cadre soit agréable (c'est mieux, mais pas déterminant)

Mais il faut des zones d'ombres presque noires comme dans l'arbre, ou l'on pourrait avoir un frisson, peur de tomber.... et surtout surtout que l'harmonie soit soudain mise en péril par l'irruption brutale  du rouge, ( une émotion,une idée, un geste, un mot inattendu) et qui forcement change la nature du moment, fait légèrement basculer l'horizon, vous fait voir l'autre différement, provoque un léger glissement de terrain , ouvre cette déchirure dans laquelle l'imaginaire peut s'engouffrer.

Et puis mieux encore , en même temps ou presque... l'effraction du bleu juste au moment ou vous aviez mis un pied incertain dans l'imaginaire .....

Avouez que c'est une soirée autrement plus magique, qu'une soirée agréable....pas facile à réussir je vous l'accorde, puisque rien ne doit être préparé d'avance... comme sur la photo, mais quand ça arrive .....

Encore eux...mais je les aime

En haut de mes escaliers il y a des "Coussins à Souvenirs"ce sont ceux des nuits d'été....

à l'intérieur ils ne sont pas remplis de mousse comme de vulgaires coussins , non non non...

Ils sont emplis de musique douce, de conversations à mi-voix, de la poudre légère des confidences, de l'odeur du thé qui flotte mêlée à celle des bougies au jasmin, de mots d'amour ,du glissement du cachemire sur la peau et du frisson qui l'accompagne, du minuscule bruit du téléphone qu'on raccroche, de l'odeur de la bougie qu'on éteint ....et toujours quand je m'en vais reste encore un moment...

entrelacées aux mots, ... les quelques notes de fleurs d'oranger que j'avais glissées dans mon cou.

Un arbre heureux

La fièvre a disparu, alors j'ai remis le nez dans le jardin....

Je me suis promenée dans les couleurs et les parfums ...doucement , les mains dans les poches comme si j'avais la vie entière pour m'imprégner de chaque molécule de parfum de chaque nuance de couleurs...

Et puis, moi qui suis une rationnelle distante comme vous le savez et peu encline à voir du merveilleux ou des anges à chaque coin de rue.....j'ai vu ça,et moi j'appelle ça un arbre heureux.

Pourquoi, s'il vous plaît, serions nous les seuls à rosir de plaisir? et pour les plus sceptiques....sachez que je l'ai choisi entre mille,à la jardinerie, que je l'ai planté, encouragé , arrosé et que... forcément ça crée des liens ....

là on ne s'était pas vu depuis plusieurs jours, (cf autres notes) alors quand je l'ai retrouvé je l'ai caressé et lui ai  murmuré quelques mots d'amour......OUI ...bon....il est émotif c'est tout!!