Je suis rentrée trop tard de l'atelier hier soir, pour vous écrire.
J'avais passé une très longue journée dans un pays de neige, avec elle, qui me disait comment l'hiver interminable, gelait les coeurs et les langues, si fort que le silence était devenu maître de ce pays.
Elle disait..."Le lent enfermement de la neige ".
"le froid intense qui fait se fendre les pierres et les coeurs."
Quand je me suis décidée à partir....Il faisait nuit ,un début de gel recouvrait les vitres de la voiture..
Commencée hier, elle en était là ce soir.
Ne vous fiez pas à son apparence actuelle, la belle vient d'un pays de neige , de grands froids et de gels rempants.
Elle a dû commencer son chemin vers moi, sans que je le sache il y a quelques mois... dans les pages d'un livre "Le Musée du Silence" de Yoko OGAWA.
Pourquoi aujourd'hui et pas après la lecture du livre?
Je ne le sais pas ce soir.....sans doute qu'après quelques passés en tête à tête en saurais-je un peu plus.
Il faut laisser les pages comme les terres se couvrir de neige ou de mots....
Mes trois enfants lianes sont donc terminées.
Leurs échanges silencieux laisse libre cours à l'imaginaire...
Et moi je me retire sur la pointe des pieds de leur histoire.
Non, n'en déplaise à Myriam, qui demandait "a quand une vraie reflexion sur le métier de sculpteur ou sur la sculpture, je ne sais plus...non ce ne sera pas encore cette fois ci.
Et sans doute jamais.
Non tout simplement parce que je n'en ai pas envie....et que c'est la meilleure des raisons.
Non, parce je ne suis qu'une raconteuse d'histoires .
Non, parce que ce n'est pas ce que j'ai envie de partager avec vous.
J'ai juste envie qu'on se parle aussi proches que possible, que l'on vive dans ce blog comme si nous étions ailleurs, loin de nos vies quotidienne.
Dans des vies rêvées ou les enfants lianes nous sembleraient aussi familières ou aussi étranges.... (c'est selon)...que les gens que nous croisons tous les jours.
Parce que désespérement je cherche le cinquième point cardinal....et des êtres humains qui le cherchent aussi.
J'ai eu beaucoup de mal à vous rejoindre ces jours ci...
Histoires de connexions en tout genre avec internet et dans la vie...
Alors j'étais dans mon atelier...comme toujours vendredi, samedi, dimanche....
La troisième enfant-liane a commencé a se dérouler , pendant que ses deux soeurs sont déjà en galerie...celle ci définitivement scellera le secret de leur histoire...
Demain elle sera finie, ça c'est une image de vendredi, encore un peu approximative ....j'essaierai de les prendre les trois ensemble ...deux en plâtre et une en terre....
Mais quand je suis partie de l'atelier cet après midi , une autre petite sculpture avait déjà commencé sa lente progression vers la lumière, on dirait que chaque sculpture
porte en elle la suivante.
Comme si l'argile se déroulait en vagues lourdes et lentes chacune portant son histoire...
Je ne suis là que pour les recueillir......
Retour à la fonderie aujourd'hui...
Petite réunion entre ma soeur, Robert (bartoux) notre galeriste, olivier et moi...
Pendant que la "petite idole" se faisait repoudrer le nez, nous avons mis au point le choix et la quantité de sculptures qui seront à l'ouverture des galeries de Courchevel et Mégève...
Et d'autres projets mais chutttt!
Et Puis retour dans Paris, ballade, et hôtel de nouveau demain je pars à la recherche d'outils pour la sculpture...... les vrais et bons outils sont de plus en plus difficiles à trouver...
Mais maintenant.....lecture et repoS;
En partant, j'avais pris ma caméra pour filmer les essais de patine , et mon appareil photo.....mais il y a eu cette nuit blanche la veille, et puis aujourd'hui la route, et la pluie, et tout ce silence dans la voiture....
En arrivant chez Olivier, à la fonderie, je ressentais juste quelque chose entre l' envie de pleurer, l'envie de me dormir en boule quelque part , et le mal au coeur.
Olivier a bien vu que ça n'allait pas fort, alors j'ai juste fait cette photo,pour dire, et puis on s'est mis tout les deux à travailler tranquillement...
on était bien,parce qu'on a trouvé tout de suite une belle matière .
En usant sa patine toute brillante on a fait réapparaître sous le brun clair.. des gris-verts , et des ors ...à peine.. en transparence.
Alors à l'unanimité( de nous deux) on a décidé qu'elle resterait mate ...que c'était beau , que ça nous plaisait.
Moi , du coup, j'avais un peu moins envie de pleurer, un peu moins mal au coeur, on a bu un thé en parlant de la vie...
Quand j'ai repris ma voiture il pleuvait toujours.
La lumière se traînait à ras de terre .
Je me suis arrêtée pour acheter de l'aspirine , parce qu'il fallait encore que je trouve mon hôtel à Paris et un parking pour garer ma voiture et que la nuit commençait à tomber.
Oui, je sais l'aspirine ne sert à rien contre ça...mais il y avait une place juste devant la pharmacie...
On dirait presque une photo en noir et blanc et pourtant non...ce sont les enfants-lianes à leur sortie du four...dans la poussière de la fonderie
J'aime cette image ..... j'imagine qu'elles devaient avoir cet aspect là...avant que je ne les sorte de la terre.
Entre pierres et lianes..avec leurs racines arrachées..
On ne sait jamais rien de ce que nos mains vont trouver dans la terre .
On sculpte en aveugle .
On essaie juste de sculpter "cette chose" que l'on sent à l'intérieur de soi.
Et parfois.... des mois plus tard une photo nous dit que nous avons raison de croire en nos chimères.
Il y a une vie secrète, parallèle, intuitive qui palpite derrière l'autre.
Il suffit peut être de vivre un peu moins fort que les autres pour capter cette sorte "d'infra -vie....."
Demain je serai à la Fonderie DELVAL.
Avec Olivier je vais mettre au point la patine des "Enfants-Lianes"
Je lui ai demandé de préparer une couleur générale "caramel" mais je voudrais voir comment on peut traiter les robes .
Je voudrais mettre en valeur la géométrie "tournante" et faire apparaître la matière...
Je vous raconterai.
Il y a des jours où on est un peu comme cet arbre.
L'extérieur ressemble encore à un arbre mais à l'intérieur il y a ça.... ce truc étrange, comme un mal qui ronge .
Une maladie secrète, une lente avancée du vide.
Ca ne fait pas mal... pas vraiment... d'ailleurs c'est si progressif qu'on le sent à peine.
C'est même joli quelquefois cette dentelle d'âme à moitié rongée....
Je me souviens d'un livre que j'avais lu petite, je me souviens du titre , mais pas de l'auteur, Mallarmé peut-être? "L'homme à la cervelle d'or"
L'histoire d'un homme qui avait une cervelle d' or et qui pour combler les désirs de son amour arrachait chaque jour un bout de sa cervelle pour pouvoir lui acheter bijoux, robes etc... enfin il meurt complètement hébété, avec ,sous les ongles du sang et quelques traces d'or...
Alors je me demande si l'on peut aussi dilapider son âme, de la même façon...
// Mise à jour : La Légende de l'homme à la cervelle d'or est une des nouvelles issues des Lettres de mon Moulin d'Alphonse Daudet ; elle date de 1869.//
Voilà ....je n'ai pas répondu à vos commentaires sur la "Nomade "terminée, parce que j'attendais qu'il y en ait assez pour me faire une idée de ce que vous ressentiez.
Parce que tout de même, ces sculptures qui viennent de l'intime de soi, que l'on met du temps à imaginer ,puis créer, une fois sortie de l'atelier, quand notre histoire à toutes les deux est finie....
C'est à un autre rendez-vous qu'elles vont.
A la rencontre de vos regards et de vos émotions.
Et elles n'ont d'existence réelle pour moi que lorsqu'elles sont sous votre regard...
Plus encore quand vous vous les appropriez, et pas par l'argent, je veux dire quand vous les acceptez dans le cercle de vos émotions, de vos rêves, quand elles sont dans vos propres voyages...
Sinon elle reste un objet.
Et une sculpture qui reste un objet, ça n'a pas de sens.
Alors, encore une fois.... merci de m'avoir fait part de votre ressenti sur "la nomade".
C'est précieux pour moi.
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