Deville-Chabrolle Journal d'atelier (retrouvé !)

L'inachevé

Ceux là ne seront pas finis pour l'exposition, il en est des oeuvres comme de toutes choses.

Certaines sont comme des phrases que l'on ne finit pas, des aveux que l'on ne fera jamais parce que l'on a jamais su trouver le moment, des amours inachevés...

Et ce ne sont pas les moins aimées, presque au contraire, c'est juste que le temps n'était pas arrivé de les finir, comme une réflexion qu'on aurait pas mené à terme....

Ces oeuvres là restent dans des cartons à dessins,  dans ma tête et dans mon coeur..parce qu'elles sont la part inachevée de ce que je suis.....

Voir sa journée

J'ai la chance extraordinaire de pouvoir dire: "voilà mes deux dernières journées." Dire ces mots si communs et laisser  voir et imaginer.

Voir trois sanguines et imaginer, le silence de l'atelier à peine troublé par le minuscule bruit du crayon qui gratte le papier, la craie blanche qui d'un coup crée la lumière et le volume.

la tasse de thé qui refroidit lentement , pendant qu'on prend un peu de recul, et qu'on détend un peu son bras et sa main, les allers et venues devant le chevalet pour arranger un détail et reculer pour voir l'effet.

Seule et heureuse, immergée toute la journée avec trois couleurs, celle de la craie blanche, celle de la sanguine, et celle du papier. Et faire surgir la courbe d'une hanche, la rondeur d'une fesse, la pesanteur velouté d'un sein, la brillance des cheveux... le dessin est un exercice de rigueur mais aussi un plaisir intense et sensuel dont je ne me lasse pas...

J'ai la chance que mes journées soient visibles.....

La petite marie

Ce soir Il y a comme un léger trouble dans l'air.
Comme si le battement de l'aile d'un papillon de l'autre côté du monde, avait fait vibrer une onde légère ici...

J'ose même pas vous le dire, tellement je sais que ça va paraître stupide....Ce soir... je me sens aimée.

Bon, ça je le savais...je savais que dit de cette manière ou de n'importe qu'elle autre, de toute façon ça à l'air ... comment dire sans être déplaisante...gentil, voilà, ça à l'air gentil, un peu "la ravie de la crèche" mais gentil, au fond...
Un peu godiche aussi, nunuche? non , allez ...gentille !

Et puis,arrêtez de me regarder comme ça, du genre "bon, ben ca y est, fallait s'y attendre..elle n'a pas supporté le stress le surmenage, l'hôpital ... là, on la perd, on la perd."

Non,désolée,c'est sérieux .

Voilà j'ai reçu plein plein de messages, de vous bien sûr, et aussi sur mon e-mail perso, mais pas des messages pour mon "Oeeeeuvre", pas des messages pour "l'Aaaartiste", enfin pas que.... Non, plein de messages pour moi, marie, rien que pour moi, des messages d'amitié forte comme de l'amour et d'amour tendre comme de l'amitié, des messages qui donnent sans rien prendre, des messages pudiques, des messages à mystères, des messages d'une incroyable gentillesse.

Et puis surtout, surtout, ils étaient pour moi. Pour la petite marie. Celle qui au fond de moi n'en revient pas qu'on puisse l'aimer, et l'aimer autant ...et aussi joliment...parce qu'elle, depuis toujours, elle s'était crue, pas "aimable"...

Ligne rouge

Hier nuit Blanche...

En fait ,nuit noire de l'esprit
nuit noire de solitude avec cette ligne rouge
silencieuse, lente et précise
qui descend tout le long de la nuit
pour vous séparer des autres
de la nuit des autres;

c'est le fil rouge
des heures froides qui vous glisse
le long du dos...

Craie rouge
sur métal gris
les gencives grincent...

Le sable crisse sous les paupières
la nuit s'enraye.

Pas un bruit
dans la nuit
le fil rouge glisse
glacial.

Comme un rasoir.
Ferme les yeux Marie.
Ferme fort tes paupières.
ne regarde pas le fil rouge.
Ne garde en mémoire
que l'or des menus ouvrages du vent.

Ferme les yeux, marie, n'aie pas peur .

Même pas peur

Je ne sais pas vous, mais moi j'ai trouvé ce silence bien long...

Mais je n'y pouvais pas grand-chose, que ce soit  moi, ou d'autres, impossible d'accéder aux blogs.
Bon, c'est rétabli, tant mieux, ne cherchons pas à comprendre.

Cela me fait ressentir  une fois encore combien cette relation avec vous compte, combien elle m'aide en tant que personne, mais en tant qu'artiste aussi.

En ce moment j'avance un peu à cloche-pied, un jour je suis en forme et j'abats un travail monstre, le lendemain je suis très très fatiguée et j'essaie de dormir, de me reposer.

Aujourd'hui, journée à Paris chez les fondeur.
Je viens de rentrer, complètement crevée
Chez Chapon, on a réussi à mettre complètement au point la composition "Le rêve du philosophe" et on doit se revoir pour "La nef des fous".
En revanche chez Olivier (Delval), mis au point de deux petites compositions de "la nuit des absentes" et vérification de la couleur des patines...tout n'est pas fini....hélas .Mais on avance...

L'avantage de tout cela c'est que je n'ai pas le temps de m'inquièter de la date du vernissage, pas le temps de faire des allergies, des dermatoses, quand on me dit que c'est dans une grosse semaine, je n'le crois même pas. Je trouve que c'est une blague nulle.

Je crois que je serais obligée de venir le soir du vernissage avec trois ou quatres sculptures toutes chaudes sous les bras.

En tout cas la bonne nouvelle de la journée c'est de vous retrouver,
je vous embrasse.

Marie

Le temps est déraisonnable

Je sais c'est stupide d'essayer de courir plus vite que le temps...mais c'est un peu chaotique ...

Presque toutes les sanguines sont à l'encadrement ,les dernières ne sont pas encore sèches, et quelques unes sont réservées avant l'expo. Les sculptures sont encore chez le fondeur, et les gens se renseignent déjà sur les prix, alors que certains montages de métal ne sont pas terminés, donc pas peints, donc pas prêts et l'artisan dit :"au mieux fin de semaine prochaine"....

A chaque annonce de délai mon estomac se noue.... 15 jours restants face à deux ans de préparation et le temps manque toujours...

Saleté de calendrier

Plus que 15 jours...je dors mal , je mange mal...qu'est ce que ce serait si c'était ma première expo...15 ans et je ne m'y fait pas...

Malgré tout je continue à travailler parce que les premiers catalogues  sont arrivés aujourd'hui et des sanguines sont déjà réservées. Mais je cours partout.... les quelques jours d'hospitalisation n'ont pas arrangé les choses. il me manque toujours quelque chose pour finir...et puis de nouvelles idées viennent et l'on se dit que ce serait bien si on pouvait ajouter cela à l'expo...

Bref je travaille dans la journée et la nuit je m'angoisse...

Le sommeil est une énigme

L'étoffe des rêves...ce qui les constitue, cette matière arachnéenne, où viennent se prendre fragments de mémoire, filaments de désirs fugitifs, symboles, mots morts-nés à la dérive, délicats lambeaux  de nos folies ordinaires, minuscules débris de nos journées....

Dans l'eau rapide du jour, tout se perd.
Il nous reste la nuit..le sommeil et le filet volant de nos rêves...

à J

Je sais qu'il regarde le blog tous les soirs.

Il m'a téléphoné, ce matin... Il y avait longtemps que je ne l'avais pas entendu...Il fait partie de ces amis qu'on a l'impresssion d'avoir toujours eu tout près de soi...
Et puis, parce que ce long silence...  On se rend compte que son absence fut bien longue.
Que rien n'avait rempli l'espace qui lui était dédié. "T'es sûr que tu ne m'avais pas quitté, dans ton coeur? Que tu ne m'avais pas lâché la main ne fut-ce qu'une seconde? même quand j'étais partie à l'intérieur de moi, pour ramener des images.."

Mais sa voix au téléphone est la même. Ses mots c'est chaud, c'est comme une écharpe qu'on vous enroule autour du cou, un après midi d'automne parce qu'il commençait à faire froid. On se comprend, on s'aime. Alors tout est bien.... on peut continuer à marcher en donnant des coups de pieds dans les tas de feuilles mortes...

Esprit et corps

C'est une sorte de lutte ouverte entre le corps et l'esprit... Mon corps me dit : "arrête tu es fatiguée" et de l'autre , mon esprit me dit :"tu as commencé le travail sur les photos des sculptures, continue...."

Alors chaque matin je traîne mon corps qui grince, qui renacle, qui réveille de nouvelles tensions, raideurs....et puis j'arrive à l'atelier et j'oublie...je travaille et je ne pense à rien d'autre....