Deville-Chabrolle Journal d'atelier (retrouvé !)

Esprit de solitude

Cette nuit je me suis réveillée à 1h du matin.

Je suis descendue faire du thé, et je l'ai bu dehors sur les marches de l'escalier.
Il faisait nuit et chaud, il y avait l'odeur de la terre, celles des fleurs, et la puissance obscure des arbres.
Sur l'allée de gravier se dessinait le rectangle de lumière de la fenêtre de  ma chambre.

Inutile d'essayer de savoir par quels tours, détours et autres chemins de traverse mes pensées se sont enchevêtrées, mais deux heures plus tard  j'avais décidé de changer  la pose et le sens "d'esprit de solitude".

Ce matin le mur avait disparu.
La belle avait baissé le bras et un ruban serpentait autour de lui pour s'enrouler jusque dans ses cheveux .

Sincèrement je ne sais pas pourquoi ce changement, je pense que l'émotion ressentie dans le jardin y était pour quelque chose....parce qu'il  y avait quelque chose de l'enlacement entre la nuit, les parfums et les arbres......

On termine

Pour petite vertu c'est fait....
Demain elle part pour l'élastomère...

Jérémie s'acharne encore sur les derniers dixièmes de millimètres qui font que le pli...que l'arrière de l'oreille, que.....
Pire que moi celui ci...

Moi je suis passées a la main mal sortie de "Cerise" qu'on a refaite complètement....

Après je le laisse finir seul Clémentine pendant que je me remet à mes sculptures.....ouf!!!

Dialogue

Chapeau de paille, épaules et bras nus les ateliers ont migré vers le jardin ...

Pour retravailler les plâtres rien ne vaut la lumière naturelle..
"Clémentine" est revenue au bercail pour se faire refaire une beauté avant le moule définitif en élastomère...

Il a l'air de faire bon vivre pour ces deux demoiselles
qui papotent au soleil...
Et si leur peau reste d'albâtre, la mienne a tendance à rougir dangereusement...

Humilité

Quelquefois avec notre arrogance d'êtres humains, il nous arrive de dire "je suis seul(e) dans le jardin"
mais si on s'approche de plus près....on revient à plus d'humilité....

Tout ce que nous savons du ciel

Pas un souffle de vent....

Au milieu du grand jardin bleu, le lourd navire qu'est ma maison se laisse bercer par l'eau et n'avance plus..

Moi dans son ventre, je ne bouge plus non plus, si ce n'est en prenant le large dans les pages d'un livre.
De temps en temps le jardin , le navire et moi sommes comme cela immobiles, le gris nous plombe l'âme, le bateau grince, l'horizon se dérobe...

Tout ce que nous savons du ciel , en ce moment, c'est son silence.

rencontre

"Toute rencontre m'est cause de souffrance,
soit parce qu'elle n'a lieu qu'en apparence,
soit parce qu'elle se fait vraiment
et c'est alors la nudité du visage de l'autre qui me brûle autant qu'une flamme"

C BOBIN
dans "Ressusciter"
Gallimard

Partir loin

J'ai travaillé toute la matinée sur la "petite vertu".

Debout. Lumière rasante du jardin pour voir toutes les imperfections de surface...

Et puis vers quatorze heure coup de fatigue...

Plus envie.

Triste de ne pas pouvoir attaquer une nouvelle sculpture...

Et souvent quand c'est comme ça...l'envie d'aller ailleurs... loin.

Quand je me demande où serait cet ailleurs, le nom de ce pays ...loin ..je n'ai pas de réponse, pas de pays rêvé qui porterait un vrai nom.

Loin c'est suffisant.

Pour aujourd'hui en tout cas je me suis retrouvé dans le jardin bleu, sur mes marches avec un thé...

Loin aujourd'hui ça voulait dire seule...

interdiction de sculpter

De mon côté j'ai attaqué "Petite vertu" et "Cerise".

(Je crois que je vais changer le nom il ne me plaît décidément pas!!Cerise!!!)

Sur "Petite vertu" outre les différentes phases décrites sur la première note....j'ai décidé de refaire les mains que je trouvais trop petites...
Là c'est déjà plus critique...
mais ça va..

Sur "cerise" j'ai commencé par lui casser quatre doigts, oui,oui d'un coup... sans faire exprès!....pffffffff les doigts en plâtre c'est un vrai cauchemar...

Et puis après j'ai entrepris de lui refaire complètement un pied, parce que les orteils étaient mal sortis du moule..
Donc  les deux demoiselles sécheront devant un radiateur toute la nuit, et pourront dire autant de mal de moi qu'il leur plaira...

Les mains me démangent de commencer une nouvelle sculpture, mais le pauvre Antonio en a déjà deux qui l'attendent à l'atelier....
C'est quand même une punition de s'empêcher de sculpter,
heureusement qu'il y a les plâtres à faire..

Chirurgie esthétique

Lundi...atelier chirurgie esthétique....
Pour désencombrer l'atelier d'Antonio et faire avancer plus vite le travail...
(le pauvre était complètement débordé après ma fièvre créatrice des mois précédents)

Nous avons repris trois plâtres à retravailler à l'atelier...
Jérémie s'est occupé de "la parure"...
Ponçage, corrections de petits détails
Re-bouchage des bulles dans le plâtre..
puis des microbulles
Re-ponçage
et savon noir afin que l'élastomère soit impeccable...
Ainsi le travail du fondeur, puis du ciseleur sera nettement facilité...

L'enchantement

Le soleil entre par le fenêtre ouverte de la cuisine..

De dehors nous parviennent, le chant les oiseaux, le miaulement du chat qui vagabonde, le bruit calme et régulier de l'eau qui arrose le jardin.

L'odeur de l'herbe mouillée.

Dans la cuisine le blanc nacré des asperges fraîches, le vert  tendre des artichauts, le vert anis du tee-shirt de kiya, le rouge du bracelet et le bleu de la table...

C'était un bonheur qui passait par là et qui nous a fait la grâce de se poser un instant dans la maison....