Deville-Chabrolle Journal d'atelier (retrouvé !)

Le dernier thé

15 h.

J'ai posé mes outils.
J'ai fait chauffer de l'eau pour le thé.
Bu une grande tasse de Earl Grey, les pieds posés sur le fauteuil en rotin de la cuisine.

Le voyage était terminé.

Voilà des semaines que la "Nomade" et moi allions à la rencontre l'une de l'autre, l'exacte réplique l'une de l'autre, dans notre lassitude, dans notre désir d'accomplir ce voyage.

Elle, sortie de mon imaginaire et moi le traversant à rebours pour retrouver le lieu d'où elle était issue.

Drôle de travail que de donner matière à ce qui aurait pu rester une image  dans le demi-sommeil du petit matin...
un vague désir d'ailleurs...de départ.

Des jours entiers à construire un rêve de ses mains, des heures s'enchaînant aux heures, depuis le matin tôt jusqu'a la tombée de la nuit dans une sorte d'absence....avec comme unique horizon l'aboutissement... une sculpture d'argile...

Et puis la couvrir une ultime fois de linges mouillés, de plastique....

S'assoir dans la cuisine.
et boire un thé très chaud.

Petit poème de lumière

hier soir quand j'ai éteint la lumière à l'atelier, ce morceau de lumière est apparu sur le mur.

Il vient d'une ouverture vitrée tout près de la charpente.
je suis resteé là un grand moment à regarder ce rectangle lumineux sur le mur devenu noir.

Une branche de saule se balançait dans l'angle droit c'était beau comme un haîku...

Interruption

Depuis quelques jours impossible de me connecter.
pardon à ceux qui m'ont envoyé mails ou commentaires mais ....je ne pouvais pas vous répondre
En revanche, à part mon bras qui me fait un peu souffrir
samedi, dimanche et hier lundi ont fait progresser ma "Nomade."
Je pourrai bientôt vous la montrer toute entière.

Hier toute une longue jounée, m'a permis de la "vêtir" si peu.... de quelques bout de tissus, de retravailler ses jambes et ses pieds...
la journée d'aujourdhui sera consacrée à la chevelure et aux mains...
J'ai hâte de la rencontrer, car pour le moment je travaille en laissant certaines parties couvertes...pour empêcher le déssèchement de la terre.
je ne la découvre entièrement que rarement pour vérifier les proportions...

Il y a des jours où je suis si heureuse de retrouver nos rendez vous!!!!

Refus

Impossible d'aller travailler ce matin.

Toutes les articulations du bras droit sont enflammées.
Mais la tentation est grande  parce que ma nomade est presque finie....

Plus que les mains, les cheveux et un peu de drapé.
Peut être q'avec de l'aspirine et une coudière je pourrai l'avancer un peu...

Je sais ...
mais je veux pas rester à la maison....
ça me rend triste....

Prendre de la hauteur

Le moral va mieux...
Ma "Nomade" semble vouloir se laisser apprivoiser..

Je lui consacre de très longues journées de travail, tôt le matin jusque tard le soir.

Mais du haut de ses 2m20 elle m'épuise...
je passe mon temps à monter de l'escabeau à la table élévatrice,et à redescendre.. inutile de dire que lorsque le téléphone sonne ou que je fais tomber un outil ...je me sens des envies de meurtre....

Sans parler des positions acrobatiques, de la tendinite qui guette tant la demoiselle est difficile à lisser, de l'ecabeau qui menace toujours de glisser, ni du rhume que je vais finir par attraper à aller dans le jardin pour avoir le recul nécessaire...

Pourquoi les ateliers finissent-ils toujours par être trop petits ou nos désirs trop grands?

#7 Rouler, la nuit

Journal d'Atelier Episode #7
Rouler, la nuit...

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Avance Marie, avance

Ne vouloir que la légéretè.
L'esprit des choses.
Ne pas se laisser entraîner par le plomb des noirs chagrins .

Retourner à l'atelier, très tôt.
La" Nomade "... elle, a besoin de toi pour exister.

Ne pleure plus petite Marie... fallait pas t'aventurer dans la vie des autres..Fallait pas croire qu'on pouvait t'aimer..toi, tes silences, tes incohérences, tes chaos,tes excès ... tu le sais pourtant depuis longtemps....

Alors marche, retourne à l'atelier, et puisque tu ne sais pas exister ailleurs, existe au moins là....

D'autres cailloux

Aux pieds cette sculpture de PARVAN il y a d'autres cailloux des vrais et... des vrais faux cailloux faits par des artistes.

La plupart de ceux ci sont des cailloux souvenirs.

Lisbonne, "L'intranquillité" de F. Pessoa et nous, parties respirer l'air qu'il avait respiré.

Un restaurant près de Montpellier avec ma fille, toutes les deux, table 12..une journée douce.

Un autre acheté à l'une des premières expositions de peinture, de mon fils.

Garder quelque chose  de ce temps qui finit toujours par nous laisser les mains vides, garder la trace d'un jour  heureux..... de cette grâce qui nous est faite de temps à autre.

La solitude de l'atelier

Je ne travaille pas aujourd'hui.
je reste à la maison...
On installe un nouveau chauffage à l'atelier donc du bruit et du monde.

Et de plus la "Nomade" m'épuise...
hier soir je l'ai quittée tard, elle avait eu quelques soucis d'armature ...il a fallu la réparer, mais le soir elle était de nouveau en place....
Et moi au bord des larmes de fatigue.

Ces travaux de deux jours vont me permettre de récupérer, de répondre à des lettres ou des mails, de lire, de rattraper quelques heures d'insomnies .....

Je me sens si fatiguée....

L'histoire d'un visage

Esquisse d'un visage pour la Nomade....

Dés que le visage sort de mes mains, c'est comme si tout le sens de la sculpture venait avec.

Le visage est la clef de voute de tout cet édifice improbable d'émotions, de souvenirs, d'imagination, de terre de fer et d'eau.....

Rien qui ne tienne debout tout seul, si ce n'est la volonté de dégager du sens, de dire, de raconter...

dans ces cheveux collés au visage par la poussière de la route, la sueur, le vent dans ce tout petit détail l'histoire est déjà contenue.

Dans les yeux fermés, la lassitude.

Dans le modelé de la bouche la tristesse et le désir de silence...