Le temple était situé au milieu d’un lac.
Depuis l’enfance, j’étais ici pour apprendre l’art subtil du silence.
Paradoxalement nos maîtres, commençaient d’abord par nous enseigner les mots. Nous devions les écrire, sur des pierres plates, en trempant le doigt dans du miel, ainsi en les léchant, du bout de la langue nous nous nourrissions de leur sens.. puis nous les observions longuement, leur calligraphie, leur sonorité, leur poids, leur couleur, leur nuance …
Nous nous exercions à leur maniement, les plus effilés et tranchants servaient d'armes, et les autres.... les mots qui soignent qui guérissent étaient murmurés et mélangés à des terres , des baumes. Rangés dans des urnes.
Puis, au cours des années, nous apprenions à supprimer les mots inutiles, les mots trop usés, ceux qui étaient vides de sens...
Les plus doués d’entre nous n'avaient plus à l’adolescence qu'une dizaine de mots, leurs préférés, les plus goûteux, les plus riches, ils pouvaient les garder aussi longtemps qu’ils en ressentaient la nécessité.
Après….. tout n’était qu’une question de temps…… lorsque nous étions prêts a les abandonner , nous les gravions un à un sur une pierre, avec notre nom, et la pierre était lâchée au fond du lac.
Ce rite indiquait que l'enseignement arrivait à son terme.
Il était temps de partir sur les routes...... pour témoigner du Silence.
Plus tard ..... beaucoup plus tard à notre âge d'homme ou de femme nous devrons revenir au monastère, sur le lac, replonger dans l'eau pour retrouver chacun notre pierre et nos mots.
Certains la briseront et partiront, les autres devront n'en garder qu'un et enseigner à leur tour ou vivre seuls, autour du temple.
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