Deville-Chabrolle Journal d'atelier (retrouvé !)

Solstice d'hiver

Aujourd'hui l'Atelier était désert.
Jérémie en livraison, Serge en vacances , Marie-Hélène en pré-vacances de Nöel chez sa fille.

L'atelier-navire avançait tout seul, poussé par un vent calme.

J'ai mis un point final à tout ce qui devait être terminé.
J'ai fait un grand nettoyage de l'atelier.
J'ai bu un dernier thé, bien chaud et j'ai fermé la porte de l'atelier à clé. Je suis partie sans me retourner...

Je suis rentrée chez moi....

Il parait qu'hier c'était le solstice d'hiver, le jour le plus court de l'année...la lumière va revenir tout doucement

L'incohérente

Journée pleine de stress à courir pour finir.....
Quoi? me direz vous...les dernières sanguines pour l'expo. dessiner, coller sur les chassis faire les finitions..... et recommencer.

Il en faut pour aller jusqu'a fin janvier...ma fatigue est élastique.... Je sais.. je sais... repos, ne pas aller au-delà de ses forces , écouter son corps....etc etc.
Rien à rétorquer c'est la voix de la raison.

Mais il se trouve que je déteste la raison, l'équilibre, le juste milieu.
Pardon ...mais je déteste... Je veux le trop, la passion, le fil du rasoir, le bord du gouffre...

Je veux savoir où est la limite , où est ma limite. Comme les enfants qui veulent casser leur jouet, pour voir ce qu'il y a dedans...

Qu'est ce qu'il y a en moi, comment ça marche moi? qu'est ce que c'est moi? et si personne n'a de réponse alors..... qu'on me laisse brûler en paix.....

Regards

                                            Je ne sais rien de ces visages qui viennent sous mon crayon, il y a pourtant en commun entre nous ce questionnement sans fin dans le regard.

Cette tension.
L'attente d'une réponse.
Pas d'un pauvre truc, un pauvre alignement de mots....une vraie réponse.. qui  bouleverse.

La petite Marie

Je me suis souvent demandé ce qu'on lui avait fait, dit, ce qu'elle avait vu, qui lui donne cet air si triste.

En tout cas de puis elle l'est restée. Profondément, organiquement, le regard est le même...
Qu'a-t-on fondamentalement compris à deux ans , qu'on mettra après toute une vie à chercher....

Petite Marie , toi et moi on se connait depuis si longtemps  et jamais tu n'as dit un mot sur ce secret qui t'appartient.
Viens je te prends par la main et on s'en va toutes les deux, on ne parlera pas puisque tu n'en as jamais envie.
Je resterai près de toi, on regardera le ciel et  on restera dans le pur silence qui est l'élément essentiel de ton âme de petite fille.

Nuit

"Ne me secouez pas...
je suis pleine de larmes"

Un ange passe

Pour dire s'il y avait du monde !!
mais là n'est pas mon propos...

Quelque chose m'est revenu ces jours-ci... J'étais là au vernissage, occupée à répondre, à écouter attentivement malgré le bruit, et à signer des dédicaces quand quelqu'un s'est approché de moi et m'a dit ..(je jure que je ne change rien): " Vous avez réalisé votre rêve?"

Il m'a fallu quelques secondes de connection pour comprendre que ce monsieur faisait sans doute allusion à la note écrite il y a plusieurs mois déjà: "j'ai fait un rêve"

J'ai répondu :"non mais j'y crois encore"
Et lui" j'ai peut être trouvé le lieu..."
Et comme si tout cela était tout naturel je lui ai dit: "très bien, on se recontacte".

Non mais vous imaginez !!
Je me giflerai des fois. Un inconnu passe et vous demande si vous avez réalisé votre rêve....déjà ça n'arrive jamais dans la "vraie vie", moi qui d'habitude ne rate jamais un ange (noooon je ne suis pas monomaniaque!!!) au lieu de lui sauter dessus,(en tout bien ,tout honneur) de lui demander son nom, ses coordonnées, de lui demander de me parler un peu du lieu, de lui etc.... non, très cool :"très bien on recontacte" genre:" j'ai pas le temps là, tout de suite pour un miracle mais on se téléphone....."

Alors je voudrais dire que ce monsieur-là, m'excuse de mon manque d'enthousiasme, tout est un peu irréel pendant un vernissage, tout semble à la fois fou et normal.....
Aussi, puisqu'il lit le blog , si cet ange là existe vraiment, qu'il me laisse un petit commentaire. Je lui donnerai mon adresse perso, pour qu'on reparle de tout ça...

A moins d'avoir rêvé si fort, que j'ai fini par l'inventer "l'ange porteur de nouvelles".

Les périmètres clos

Je suis retournée à l'atelier, c'est mon navire à moi.

Un navire immobile, amarré entre deux jardins. C'est un navire qui rêve de mer en écoutant la rivière qui coule plus bas .

Mais quand j'y suis, je suis quand même en partance... Quand même ailleurs

J'ai recommencé à travailler quelques sanguines, la Galerie a peur de ne pas en avoir assez pour deux mois d'exposition.. Alors j'y retravaille un peu, je me reposerai après... Celle-ci est assez ancienne, elle est en haut près de la porte de ma chambre.

Il y a dans ce visage là, quelque chose qui m'a toujours émue, la transparence du regard, et cette bouche enfantine et triste, cette tristesse qui sort toujours de mes mains sans que je le veuille et qui couvre d'un léger glacis chaque regard, chaque visage... où et quand ai-je perdu la gaité que je devais bien avoir en moi au commencement... le tableau le dit sans doute.

Mais j'ai créé, ce tableau, sans prendre la peine d'en percer le mystère..Il faut que certaines choses nous restent étrangères. Il faut en nous des territoires clos. Des terres qu'on aura sans doute foulées qu'une seule fois et dont on perdra la mémoire à tout jamais.....

Mes conversations avec Lucifer

Avant d' écrire cette petite lettre, je voudrais effacer tout malentendu entre nous.

Vous savez l'amour que je porte aux anges...

Vous savez aussi que j'en suis entourée, mais moi pas plus qu'une autre, il suffit d'être attentif. Donc, quand je vous parle de mes conversations avec Lucifer, c'est du Lucifer d'avant ,dont je parle, d' avant qu'il n'ait mal tourné, ( encore que ....il avait ses raisons mais... c'est une autre histoire).

Bref, moi j'étais l'amie de Lucifer, avant, quand il était l'ange préferré de Dieu. Lorsque,(Comme son nom l'indiquait il était le porteur de lumière). Nous étions donc amis, et puis vous savez comment est la vie, il a suivi son chemin et moi le mien, et, depuis peu nous nous sommes retrouvés..oui...sur internet , même les anges aujourd'hui utilisent internet.

Et depuis, souvent le soir jusqu'à des heures indues nous parlons au téléphone.

La vie, par l'ironie ou la cruauté dont elle sait faire preuve: lui cloue en ce moment, souvent les ailes sur les murs blêmes d'un hopital , mais il n'est jamais aussi libre que quand il est prisonnier, aussi gai, aussi plein d'humour et d'amour. Quand vous arrivez près de lui avec votre coeur qui déborde de larmes et vos joues toutes barbouillées ( bien sur quand on s'essuie avec des mains pleines de peintures) il vous regarde arriver, depuis la porte la chambre.

Il vous regarde arriver, et dans ces yeux, il y a tout cet amour déraisonnable,toute cette tendresse en surabondance ,et ça c'est cadeau, c'est pour vous, pour rien, c'est juste parce que c'est vous...Puis il  secoue la tête, en se disant:" bon voila encore la petite marie.... décidement pas douée pour vivre , celle là" ...mais il tapote le bord de son lit d'hopital pour vous faire une place près  de lui.

Et comme vos mots sont tout coincé, dans votre gorge, c'est lui qui parle. Il  caresse doucement votre joue, prend votre visage entre ses mains, repousse les cheveux qui retombent sur votre front et il vous parle. Il vous parle à voix basse, de sa voix douce et fraîche comme de la neige. Il dit les mots qui vous consolent d'être née, les mots qui vous redonnent une légitimité à occuper un espace ausi réduit soit -il sur cette terre, les mots qui disent que vous êtes utile, que votre vie à un sens, même si ce soir dans l'obscurité qui noie tout ,vous êtes aveugle .

Et au fil des heures, tout cette neige,toute cette lumière se dépose doucement sur vos blessures et on reste là tous les deux émerveillés de cette beauté, la lumière douce qui effleure la neige blanche ,et le silence qui les unit.

Et si lui, reste muet sur sa propre souffrance, qui elle peut se mesurer à la morphine nécessaire à la faire taire, vous, qui êtes si loin d'être un ange vous vous endormez.....Vous vous endormez comme les enfants confiants... en paix, sur l'épaule de Lucifer, l'ange preferré de dieu, le Porteur de lumière

Pourquoi tu pleures?

La petite marie et moi on est malades en ce moment....oh, moi c'est rien, de la fièvre des vomissements, des maux de tête, de la fatigue...je me met dans mon lit et je laisse mon corps dériver, maigrir,se perdre dans le flou de la fièvre...

La petite marie , elle, m'inquiète plus ...depuis quelques jours elle est assise dans un angle de la vie, elle pleure et ve veut pas parler....je la regarde du fond de mon lit, du fond de ma fièvre et je ne peux rien pour elle...Quand on est grande, plus personne ne vient poser une main fraîche sur votre front, et s'inquiéter de la température qui monte... On soulève juste sa fatigue et on va prendre une aspirine.

Quand on est une petite fille qui a existé avant...on choisit un angle mort pour être tranquille, et on pleure....parce que c'est plus le corps qui fait mal, c'est l'âme.... l'avantage de ne ne pas être visible, c'est que personne ne viendra lui dire " Pourquoi tu pleures?"

De toutes façon déjà petite elle aimait pas les petites filles qui se plantaient devant elle , en lui disant "pourquoi tu pleures,?"

Foule sentimentale

C'est à vous maintenant qu'il faudrait donner la parole , parce que, ce vous m'écrivez, le plus souvent sur mon mail perso, ou ailleurs est bouleversant....

Ce sont vos histoires avec mes... j'allais dire nos sculptures, enfin bien sûr je les ai faites mais nous en avons parlé ensemble en cours de travail, avant , après, vous aussi vous avez mis dans la terre encore ouverte certaines émotions....bon, peu importe ....en tout cas ce sont vos histoires. Racontées avec  une sensilbilité, des mots pleins de délicatesse. Et puis il y a  cette tendresse, cet attachement qu'on peut avoir les uns envers les autres parce qu'on a fait un long voyage ensemble .

Vos mails sont  rares et précieux. Mais à chaque fois l'envie me démange de les publier parce que ce serait encore une fois l'illustration de cette "foule sentimentale" que nous persistons à être.....

Ce sont les émotions qui nous traversent ... qui donnent du sens à nos vies. C'est, quoi qu'on en dise, l'amour qui nous fait grandir, avancer.. C'est le besoin de tendresse qui coule dans nos veines. Toi, moi, nous, vous, on veut être aimé.... mais on veut pas être aimé assez.... on veut être aimé TROP. On veut pas qu'on nous parle avec des mots morts. On veut la sentir l'étincelle,  voir dans le regard de l'autre du désir pour la personne qu'on est. S'il le faut, on croira tous les mensonges qu'on dit aux enfants, ceux dont parlait Reggiani....parce qu'on a jamais dit qu'on ne voulait plus avoir d'illusions.....

"Et puis, petit Simon, chez nous personne ne vieillit, nous sommes là et ne crois pas, que nous partirons d' aujourd'hui pour habiter dans autrefois...

l'Amour c'est tous les jours qu'on le rencontre dans la vie, et rien ne passe et rien ne casse, redonne moi de l'eau de vie... que je te parle de la vie

Les femmes infidèles on les voit dans les aquarelles, elles nous querellent sous les ombrelles, dans la vie ce ne sont pas les mêmes , elles nous aiment elles nous aiment...

Un homme, petit Simon, ce n'est jamais comme un navire,qu'on abandonne quand il chavire et tout le monde quitte le bord, les femmes et les enfants d'abord..

Tu verras
les maisons ne meurrent pas, les idées ne nous quittent pas, le coeur ne s'en va pas
tu verras....."